Singulis: Chagrin d’école- Studio Comédie-Française

Un homme, élancé et élégant, se présente au bureau du professeur. Face à lui quelques chaises vides bien alignées. D’une voix claire, Laurent Natrella commence son cours avec une leçon de grammaire. Et nous découvrons bien vite qu’il a tout du professeur de français que nous aurions tous voulu avoir : investi, proche de ses élèves et surtout, surtout : peu conventionnel !

Laurent Natrella porte le texte de Daniel Pennac avec intelligence, douceur et humour mêlés. C’est qu’il réussit tout de même à faire rire une salle de scolaire sur une leçon de grammaire ! Sans en dévoiler les détours, le texte de Pennac a un goût de miel délicieux et met en avant la langue, sa construction et son importance dans la formation d’une pensée libre. C’est un véritable hommage de Pennac- et de Natrella- à l’enseignement et au dur métier de professeur. C’est un plaidoyer pour l’importance de l’apprentissage par la mémoire qui tend à disparaître aujourd’hui (quel besoin de se souvenir puisque google sait) ! Moi qui passe mon temps à écrire, je rougirai encore plus fort de mes erreurs grammaticales après cette présentation de la grammaire comme une jeu si nécessaire.

Ce choix de Singulis par Laurent Natrella est la preuve (s’il en fallait une) que les comédiens français sont de fervents amoureux de la langue française et de sa poésie : avant le sens il y a les mots, la mémoire de leur forme et de leur construction. Dans ces Singulis, les comédiens deviennent des passeurs de patrimoine, un patrimoine qu’ils choisissent et qu’ils aiment. Proust par Jacques Sereys en 2012 (précurseur de l’idée de ces seuls-en-scène peut-être ?), Colette par Danièle Lebrun en 2017 et aujourd’hui Pennac par Laurent Natrella : les Singulis auxquels j’ai pu assister sont des moments de rencontre intimistes entre un acteur, un texte et un public que je ne peux que vivement recommander : faites leur confiance, une confiance aveugle !

En définitive c’est beaucoup d’élégance, une infinie finesse et une présence chaleureuse que nous propose Laurent Natrella sur ce texte « chagrin d’école » de D. Pennac. C’est dans ces moments de ravissement que je me souviens pourquoi le théâtre a un jour pris tant d’importance pour moi et que je renouvelle ma passion. Ma première claque de 2018 !

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