Vertiges – Théâtre des Halles (Off 2018)

Nadir a un père malade et sa femme ne veut plus de lui. Il décide alors de rentrer pour s’occuper de son père et reprendre pied face à son échec marital. Mais il est parti depuis si longtemps que sa famille aux habitudes inchangées l’insupporte. En tentant de les « aider », Nadir va déséquilibrer un monde qu’il ne comprend plus.

Les parents, âgés, pratiquent un mauvais français qui marque leur désir toujours vivace d’un retour au pays comme si leur présence en France n’était qu’un état stationnaire. La mise en scène de Nasser Djemaï nous plonge dans l’appartement de la famille comme dans un monde vaste et étroit à la fois. Un cocon refermé sur lui-même et en décalage avec les réalités extérieures. Nadir se confronte alors à une certaine vieillesse qui ne veut plus changer et à une jeunesse, ses frères et sœurs, qui n’ont plus d’ambitions.

La pièce traite donc d’assimilation et de l’ambiguïté du modèle d’intégration français mais en périphérie de ce thème apparent du retour du fils parvenu souhaitant entraîner dans son ascension sa famille, « Vertiges » aborde beaucoup de thèmes connexes, tout aussi voire plus intéressants. Comment honorer nos morts, quel usage faire de la religion dans un pays laïc, la mobilité sociale, l’héritage familial, la honte des origines, grandir dans une cité, le rapport à sa famille une fois devenu adulte…

La puissance de la pièce tient surtout à tous ces questionnements pas forcément liés à l’idée que Nadir vient d’une famille maghrébine mais qui parlent surtout d’un homme ayant quitté une condition familiale pour en recréer une nouvelle en décalage voire en contradiction avec son statut de départ, rendant le dialogue avec sa famille conflictuel et destructeur.

La puissance des acteurs sur scène est remarquable et porte la voix d’une génération en ballotement identitaire. L’imaginaire et les scènes presque fantastiques de maison hantée parlent aussi de l’inconscient et de la sociologie d’une nation. Malgré ce foisonnement de thématiques, il y a aussi un certain onirisme dans toute la scène finale qui vient casser le rythme et étirer la pièce. C’est un peu chargé, un peu glauque et mériterait d’être allégé pour ne garder que l’essentiel de la réflexion.

Une pièce triste et sombre avec plusieurs portes d’entrée, plusieurs grilles de lecture et portée par des comédiens émérites. Quelques longueurs mais un propos intéressant : du bon théâtre !

Interprétation : Fatima Aibout, Clémence Azincourt, Zakariya Gouram, Martine Harmel, Issam Rachyq-Ahrad et Lounès Tazaïrt

Crédits photo : Jean-Louis Fernadez

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