L’argent est corrosif. Le pouvoir qu’il confère déshumanisant. Les richesses inégalement réparties, les plus riches aussi malheureux que les pauvres qu’ils exploitent. Voilà ce dont parle « Affaires Courantes ».
Ici, l’absurdité des systèmes ultralibéraux est poussée à bout : nous nous retrouvons à suivre le parcours d’un milliardaire vendant des produits d’essuyage industriel (comprendre : PQ en tout genre). Profit, part de marché. Tout devient jeu : acheter les gens, les corrompre, les avilir par l’argent pour ne pas être seul à se salir. Donner un but au non-sens : avoir le dessus, toujours. Ultralibéralisme et en bas les travailleurs à qui on ment en les regardant yeux dans les yeux. Le thème est actuel, impitoyable, fléau de notre société. Dans le rôle principal d’Achille Harlay de Thou, Brontis Jodorowsky est parfait : cynique et sûr de lui face à ses « proies » puis vacillant et en perdition face aux femmes auprès desquelles il cherche une once de réconfort et de chaleur humaine. Un jeu tout en nuances, parfaitement contrôlé et renvoyant bien à nos propres complexités. Aux vicissitudes de cet individu et de l’homme sans scrupules qui lui sert d’avocat s’opposent des personnages de la vie « normale ». Des ouvriers qui souffrent, une prostituée qui galère, une psy et un couple qui vendent leur âme. Tous les acteurs de l’intrigue et de la pièce tiennent la partition et on avance avec eux dans la fange toujours plus grande, jusqu’à la présentation finale du PQ révolutionnaire Absolute Divine qui pousse la démonstration jusqu’à l’absurde. Achille tout puissant mais qui ne s’appelle certainement pas ainsi pour rien car lui aussi un talon … Il est aussi homme qui souffre.
Une pièce de Xavier-Valéry Gauthier à découvrir pour sa puissance et sa résonance… Et pour cette très belle performance de troupe ! La mise en scène épurée et judicieuse suggère tout ce qu’il faut. Les costumes surtout renvoient à des jeux de positions sociales et de statuts. Tous les éléments pour nous faire frissonner sont réunis !