« Château en Suède », rien que ce nom est intriguant…
Des pays nordiques, les auteurs scandinaves tels que Henrik Ibsen ou August Strindberg (pour n’en citer que deux) nous ont habitués à un certain vague à l’âme en lien souvent avec une nature indomptable. Mais rares sont les histoires placées dans ces contrées qui s’approchent au théâtre d’un marivaudage pervers dans une ambiance de huis-clos à la Agatha Christie ! C’est peu dire le côté loufoque conféré par Françoise Sagan à sa pièce trop peu connue : « Château en Suède » (prix du brigadier 1960).
La neige, implacable, enserre le château pour quatre longs mois d’hiver peu après qu’un lointain cousin s’y soit présenté avec le dessein de charmer la maîtresse de maison, Eléonore, dont on lui a vanté les mérites à Stockholm. Le désœuvrement qui s’installe dans ce château encerclé pourrait alors créer ce fameux vague à l’âme… Mais c’est sans compter les mœurs scandaleuses de ses hôtes, auxquelles le jeune Frédéric ne s’était guère préparé. Sa quête d’aventure extra-conjugale prend un drôle de tournant alors qu’il découvre certains secrets de famille inavouables et devient la proie du jeu de stratège mené par ses hôtes extravagants (et un brin machiavéliques) ! De là, une intrigue en chassés croisés dans les arcanes de ce château suédois. Des petites conspirations perverses qui feront frémir ce prétendant trop brûlant (et gênant)…
Finesse d’esprit et humour ne sont pas en reste dans cette comédie cruelle et la découverte de Françoise Sagan dans ce registre théâtrale comique est fort agréable ! Dans le rôle de Frédéric, Gaspard Cuillé campe la victime idéale du jeu qui se trame autour de lui. Odile Blanchet et Benjamin Romieux sont parfaits dans les rôles des frères et sœurs tendancieux et frivoles. Dans son rôle de défenseuse de l’aristocratie perdue, Odile Boccare tient haut sa partition embourgeoisée et Sana Puis celui de première épouse, femme-enfant délaissée et lunatique. Emmanuel Gaury (découvert il y a quelques saisons à Avignon dans « Et si on ne se mentait plus ? ») joue quant à lui un mari charismatique et inquiétant. Tous sont un peu tordus, fantaisistes à souhait, irrévérencieux et un peul malsains mais attachants aussi.
La scène du Poche-Montparnasse accueille tout ce joli monde pour 1h20 de plaisir.
Une pièce mordante et diablement interprétée par la compagnie du Colimaçon. A découvrir avant le 09 février 2025 !
Rédaction article : Bénédicte Six
Crédit photo : Studio Vanssay