« Les choses qui passent » est une histoire sur trois générations, l’histoire d’une famille de La Haye attendant le dénouement d’une sombre histoire. Les deux très vieux amants, mama Ottilie et Takma, ressassent sans cesse le terrible secret de leur crime survenu 60 ans plus tôt et se demandent ce qui les attend après leur mort et s’ils devront payer leur faute. Le texte de Louis Couperus est détonnant. Les thèmes assez classiques du déclin et de la décadence se resserrent autour d’une sombre intrigue familiale qui maintient les vivants dans l’attente du châtiment. C’est une histoire aux personnages singuliers qui méritait effectivement d’être portée sur un plateau et Ivo Van Hove réussit à créer un spectacle à l’épure particulièrement réussie.
Cette nouvelle création du metteur en scène est un spectacle qui joue beaucoup sur les contrastes. La symbolique du blanc et du noir est protéiforme et oppose la jeunesse à la vieillesse, le bien au le mal, l’âme du Nord à l’âme du sud. Dans la scénographie, Ivo Van Hove a choisi de laisser le plateau vide comme une salle d’attente, c’est un théâtre sans autre accessoire que le mécanisme du temps, martelé avec précision par une horloge géante. Il se dégage de cette scène une atmosphère d’inéluctable, de poids des secrets familiaux. Nous sommes face à des jeunes qui se croient déjà vieux et des ainés qui ne veulent plus vieillir. Les personnages sont sombres et presque anonymés par leurs habits noirs comme de simples atomes d’un tout corrompu.
La famille, avec ce lourd secret, se vit chez Louis Couperus comme la mort de l’homme et les personnages semblent n’avoir plus aucune foi en leur capacité à changer leur destin. Lorsque Lot et Elly se marient, leur départ en voyage de noce dans le Sud fait ressortir ce contraste, ce contraste du possible et de l’asphyxie dans la froide touffeur de La Haye. Le personnage de la mère de Lot est aussi terriblement attachant et intéressant. Une femme amour, comme sa mère, vivant pour l’amour des hommes et se reflétant en eux. Elle étouffe ainsi sa progéniture malade d’un amour maternel trop envahissant, trop étrange.
En définitive tout est sombre, assourdissant de chagrin et de désespoir stagnant. La mise en scène épurée porte bien ce propos : un spectacle puissant !
crédit photo: ©_Jan_Versweyveld