Faust, vieil érudit usé, cherche une échappatoire à son enfer de livres et de solitude. Une nuit de fête villageoise, il tente d’abord de mettre fin à ses jours puis dans un élan de désespoir fait appel à la magie noire. Il voit alors apparaître un étrange personnage prêt à lui offrir jeunesse et luxure en échange de son âme. Faust accepte et, sa jeunesse retrouvée, séduit la virginale Marguerite. Mais le pacte finit par le rattraper et Faust commence sa lente descente aux enfers en y entraînant avec lui l’innocence Marguerite.
« Mettre en scène Faust a été l’occasion d’une hybridation entre les langages du texte, du jeu d’acteur, du théâtre visuel et de la magie » peut-on lire dans le programme… Rendons à César ce qui est à César : loin du naufrage annoncé par les critiques, la mise en scène mêlant la magie au texte de Goethe se propose de rendre visible l’occulte et l’humour présents dans le texte. C’est un angle intéressant mais qui ne m’a pas convaincue.
Le parti pris de la magie, des feux follets aux hologrammes, entérine une vision qui détricote tout ce qu’il peut y avoir de noirceur dans la pièce de Goethe. La pièce que j’avais vu au théâtre du Ranelagh il y a de ça un an, avait le mérite de camper un Méphistophélès démoniaque tandis que dans cette mise en scène, le grand clown Hecq n’a pas gardé une once de la noirceur qu’il avait du reste si bien incarné dans son rôle de Gubetta (Lucrèce Borgia). Laurent Natrella lui aussi était bien plus crédible en professeur dévoué dans son Singulis « chagrin d’école » qu’en érudit dépravé. Il y a globalement trop d’effets qui n’apportent rien et la chute de Faust est peu crédible, Laurent Natrella qui se tord n’a rien de glaçant, cela ne fonctionne pas.
Ajoutons la pantomime (du reste très drôle) d’Elliot Jenicot et je crois pouvoir dire que la magie douce a remplacé dans cette mise en scène le fantastique noir et l’aura de mystère qui confèrent à la pièce sa véritable profondeur. Sans parler de la parodie d’Éric Ruf par Benjamin Lavernhe qui fait passer le capitaine du navire pour un agité du bocal.
Pas assez de maléfices et trop d’artifices, tout cela reste bien trop angélique… On passe au large des sinuosités du texte de Goethe, noyé sous la forme et les ressorts scéniques. C’est bien dommage !
Pour les amateurs de Faust, j’y ai assisté et je recommande.