Pour une de ces dernières initiatives, feu Madame De Colombi (que nous saluons le chapeau bien bas) a programmé « Jacques et son maître » dans la grande salle du théâtre Montparnasse, avec comme metteur en scène et dans le rôle principal de Jacques, Nicolas Briançon.
Cette pièce, écrite à Prague après l’invasion russe, fut un moyen pour Milan Kundera de s’échapper en pensée de la chape de plomb qui s’était abattue sur son pays et de revenir aux « Lumières ». Elle reprend des épisodes de Jacques le Fataliste de Diderot, œuvre du 18ème siècle, roman sans l’être, voyage picaresque, roman philosophique, critique sociale où s’inverse déjà les rôles du seigneur et de son valet. Le maitre (Stéphane Hillel) et son valet (Nicolas Briançon) vagabondent et s’échangent des histoires, duo plein de mordant et de complicité que l’on sent bien réelle.
Dans un décor qui ressemble à une scène sur la scène, dans des costumes de théâtre dans le théâtre, nous suivons donc les récits entremêlés de ces deux personnages et d’autres comme celui de madame de la Pommeraye racontée par une aubergiste forte en caractère. Sont-ils fatalistes, c’est à dire soumis à des décisions divines, leurs actions ne comptant pas ou plutôt déterministes, et dans ce cas, maitre d’eux-mêmes ? Qui est maître, qui est dieu, qui joue et qui décide, voilà bien des questions que nos deux comparses égrènent !
Plutôt légères et bravaches de prime abord, les histoires un peu paillardes cachent d’autres récits et les divers degrés de lectures rendent la pièce riche d’une réflexion qui se poursuit une fois quittée la salle. Encore faut-il, bien sûr, être sensible au texte de Kundera qui n’est dans son intégralité qu’une longue digression à saut et à gambades.
Mis à part une approche scénique un poil trop classique, Nicolas Briançon excelle, s’amuse, pétille et nous divertit avec beaucoup d’intelligence en tapinois !
Un vrai moment de partage et un théâtre d’idée qui fait du bien.
Crédit photo : théâtre Montparnasse