La Tempête- Comédie-Française

Une scène vide, un lit d’hôpital posé au milieu, triste. Le lever de rideau annonce la couleur : la pièce sera polaire.

Shakespeare, comme dit Victor Hugo est “un homme océan”, un auteur qui renverse tout, une tempête sous un crâne. Prenons d’ailleurs le temps de la citation exacte : « Il y a des hommes océans en effet. Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles […] cet insondable, tout cela peut être dans un esprit, et alors cet esprit s’appelle génie, et vous avez Shakespeare, et c’est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l’océan. » (Victor Hugo, William Shakespeare, II).

Et moi de penser : quoi de mieux pour cet univers que la troupe de la Comédie Française ! Détrompez-vous : Ô comme nous en sommes loin de cette tempête !

Histoire de pouvoir, de destitution puis de pardon, de renoncement à la vengeance et enfin d’amour… Mais tout ici se perd dans des arguties faussement intellectuelles, des effets d’intériorisation prétentieux… Quelle cuistrerie ! Et le public dans tout ça ?! Tout est étouffé, rien ne s’anime dans la lumière bleue hivernale de cette île hôpital ! Cette pièce n’est déjà pas au demeurant la pièce de Shakespeare la plus accessible et cette mise en scène, à mon sens, ne fait que brider le talent immense des acteurs du Français. Plus de Vuillermoz tonitruant, de Bagdassarian lumineux, de Sandre caméléon, de Lavernhe étoile montante mais des hommes en pyjama ou en costume (sans parler de Loïc Corbery, toujours cantonné à ses rôles de jeune premier et d’amoureux transi. Cela finit par lasser un peu, on n’entre plus au Français avec un emploi défini de valet, soubrette, tragédien, comédien etc. Il serait intéressant de voir Loïc Corbery dans un autre registre). Donc rien dans la mise en scène de Robert Carsen n’aide à s’accrocher, à expliciter le propos de Shakespeare. Une mise en scène qui déconstruit la pièce, quel ennui ! Ajoutons à cela, l’utilisation des écrans pour faire apparaître les déesses grecques et c’est la tartine contemporaine de trop.

Je n’ai vraiment pas réussi à lire, à décoder l’histoire racontée par cette mise en scène. Le seul immense dans la tempête c’est Hervé Pierre : quel jeu, quel sens de la comédie- le trio des trois alcooliques interprétés par Stéphane Varupenne, Jérôme Pouly et Hervé Pierre est le seul élément vraiment réjouissant dans ce naufrage. Tout le reste est passé comme un mauvais rêve.

 

crédit photo: Vincent Pontet, utilisation autorisée pour La Nouvelle Claque

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *