Projet ambitieux que de monter l’Aiglon, drame fleuve qu’Edmond Rostand composa en six actes avec plus de 50 personnages ; ici ramené à 13 comédiens dans une version courte de 3h30 !
Contexte : nous sommes en 1830 à la cour de Vienne. Les Trois Glorieuses sont passées mais l’ombre de Napoléon plane encore en Europe. Au château de Schönbrunn, le fils de Napoléon tenu loin de ses origines et de son aigle héritage par sa famille autrichienne, dépérit et songe à s’enfuir.
Mieux vaut arriver avec quelques repères historiques pour suivre le déroulé de l’intrigue et ses subtilités, ce qui explique de toute évidence pourquoi cette pièce a moins bien vieilli que Cyrano, plus intemporelle. Mais comme Cyrano, le texte de l’Aiglon est écrit dans des alexandrins qui sonnent hauts et clairs. La langue française est ici rendue dans sa superbe ! Plus ou moins bien portée par la troupe, certaines scènes se démarquent : les monologues de Flambeau en tête (grande Cécile Brune !) mais aussi la leçon d’histoire, le duel avec le chapeau de Napoléon ou encore l’échange aimant puis acide de « Franz » avec l‘Empereur autrichien son grand père.
Quelques très bons moments, très réussis, et de moins bons surtout au début et à la fin du spectacle dans les scènes rassemblant un grand nombre de comédiens. Quand ils sont tous au plateau, on entend un peu moins bien les personnages, on les distingue à moitié et on décroche un peu. Dans une sorte de « chambre noire » pour reprendre les mots de la metteure en scène (mais qui peut tout aussi bien être une chambre mortuaire où tout est déjà recouvert de draps), deux ans de la vie de l’Aiglon passent, noués d’attente et de trépignements.
Les costumes de Clément Vachelard sont un étrange mélange entre allusions classiques et survêtements Adidas. Sans provoquer d’anachronisme, on se demande ce qui a motivé ce choix semblant ajouter une touche contemporaine mais sans resituer l’action. En revanche, l’Aiglon est comme en 1900 avec Sarah Bernardt joué par une femme, ce qui rend la quête d’émancipation d’autant plus vive et actuelle. On comprend un peu mieux et apprécie ce parti pris là.
Bien que les dernières scènes sur la plaine de Wagram et la mort de l’Aiglon, enfant souffreteux qui n’aura pas réussi à prendre son envol et déjouer la garde de ses geôliers pour marquer l’histoire, s’étirent, on salue bas le travail colossal qu’a dû être le montage d’un tel projet et le courage des producteurs à soutenir la mise en scène et adaptation de Maryse Estier qui vient, on le sent, d’un grand attachement pour ce texte.
Une très belle occasion de voir une pièce du répertoire français rarement montée et ici écourtée comme il faut pour être, certes longue, mais pas insurmontable !
Crédit photo : Yann Slama