Voilà du théâtre contemporain qui fait sens !
En une phrase, l’année de Richard porte sur l’ascension d’un monstre sorti de l’univers de Shakespeare dans nos démocraties du 21ème siècle. Au début, tout est un peu brouillon, c’est comme un faux départ, on ne sait pas très bien ce qui se passe. Puis le personnage se met en place, il veut un parti, il demande lequel on lui accordera. On lui répond « l’idéologie ». Dès cet instant, la pièce prend son envol : Richard se redresse et avec dans les yeux une lueur de folie et de défi, il va tout nous dévoiler des failles de nos démocraties qui rendent son ascension possible… avec n’importe quelle idéologie.
« Le langage du pouvoir doit coïncider avec le langage des idiots », « Les masses, l’Etat, la nation » Le texte d’Angélica Liddell est ciselé, intelligent et je suis restée pendue aux idées qui fusaient de toute part. Dans ce monologue, à la manière d’un Richard III revanchard, l’acteur Azeddine Benamara détricote nos certitudes, pointe avec lucidité tous les ressorts pour faire basculer la démocratie dans le mal, comment utiliser, manipuler, embrigader les gens dans l’idéologie de la démocratie qui ne serait qu’un leurre. « La culture sans éducation » quatre mots encore pour dire une vérité effrayante, une couche de vernis pour calmer le peuple mais pas du vrai savoir, de l’embrigadement sous un semblant de raison. « En temps de guerre les hommes pensent plus à ce qu’ils sont au fond d’eux-mêmes », Richard nous prouve coup sur coup que l’on peut être avalé par la démocratie dans laquelle on croit ne pas avoir à se défendre et ça, pour sa propre quête de pouvoir, « il faut en profiter ».
Outre le texte qui regorge d’idées coup de poing, l’énergie dégagée par Azeddine Benamara est communicative. Il y a quelque chose en lui de l’animal blessé, intelligent, en quête de revanche. Le contraste avec la frêle et blonde actrice Lauriane Durix n’en est que plus saisissant. Au milieu de cette espèce de fête débridée où la musique est entraînante et où les ballons de baudruche volent, on n’a plus vraiment besoin d’analyser tout ce qui se passe sur le plateau et de trouver un sens à tout car les propositions de jeu forment un tout avec le texte. Poésie, musique live d’Alexis Sibeleau, jeu et politique se mélangent sans peine.
La trouvaille de ce spectacle est aussi de faire participer des jeunes, briefés par les acteurs afin de monter sur scène un moment. Ils leurs apprennent leur rôle et les jeunes deviennent partie prenante de la pièce. Ce plateau partagé est pour la compagnie Maskantête une action nécessaire car comme dit l’acteur au moment du salut « si vous ne venez pas, ce que nous faisons ne sert à rien ».
Du théâtre engagé et citoyen, des idées qui fracassent nos vies tranquilles pour soulever le voile de notre aveuglement et dénoncer les dérives de nos démocraties. Une grande richesse de texte et un acteur ahurissant pour le dire.
Une ambitieuse pépite qui doit faire son chemin dans nos vies, ça claque !