Après une mise en capsule au théâtre Lepic en juin 2023, Clément Viktorovitch arrive au OFF Avignon 2024 avec la version aboutie de son seul en scène « L’art de ne pas dire » à la Factory (salle Tomasi).
« Ce qu’on appelle démocratie aujourd’hui, c’est l’art de faire accepter aux citoyens les décisions des politiques ». Campé dans le rôle d’un conseiller en communication revanchard, Clément Viktorovitch nous fait jouer pendant 1h15 à plusieurs jeux pour décrypter les discours politiques de son « poulain », qu’il a amené au pouvoir avant de se faire lui-même éjecter. Nous jouons au jeu du plein et du vide, au jeu du habile/pas habile et enfin au jeu du ” il ne faut plus dire… mais…”.
L’art de ne pas « tout » dire serait de s’arrêter au charisme éprouvé du chroniqueur qui en scène comme sur Twitch fait voix de sa grande maîtrise oratoire, nous captive avec son regard vif et malicieux, ses expressions faciales et sa gestuelle qui à elles seules provoquent le sérieux, l’intensité ou le rire dans la salle. Mais ce serait taire alors la raideur de ses déplacements, secs et saccadés, trop précis pour être naturels. Sur cette scène de talk-show à la TED, ornée uniquement de grandes bandes blanches au semblant de colonnades grecques dardant le sol de reflets rouges, on est paradoxalement face à un homme en totale maîtrise de ses gestes, de son visage et du moindre rythme ou de la moindre inflexion de sa voix… Mais complètement roide et mal à l’aise dans le bas du corps !
Peut-être cet effet est-il renfoncé par un choix de mise en scène que nous tairons (on ne divulgâche pas !) , qui fait ressembler Clément à l’un des robots plus vrai que nature des « Contes et légendes » de Joël Pommerat. Parfois aussi, il parle quelques secondes tourné à cour ou à jardin, avant de revenir face à nous, avec nous. Des moments de récitation, un peu voyants, un peu scolaires en ce jour de 1ere. Mais dès que son regard nous refait face, tout se remet en marche.
Malgré ces petites anicroches, que ne peut-on pas apprécier dans cette forme à la fois ludique et éclairée ? Dans cet acte de vulgarisation des “trucs et astuces langagiers” de nos chers politiques si enclins à nous manipuler ?
Une ambition louable ne fait pas forcément le meilleur spectacle au royaume du théâtre qu’est le festival d’Avignon, mais si le fond est impérieusement nécessaire, est-ce vraiment si important ?
Nous avons bien besoin de son énergie, de sa joie d’être devant une salle remplie dès le lancement, pour brandir une torche dans la pénombre qui s’abat sur notre avenir politique.
Merci Clément ! Allez-y !
A voir à la Factory salle Tomasi à 19h05 et au théâtre Saint-Georges à partir du 22 septembre : https://www.theatre-saint-georges.com/
Rédaction article : Bénédicte Six
crédit photo : Bénédicte Six et @justArno