Voix caverneuse, énigmatique, diction alanguie. Un homme derrière un microphone, éclairé à contre jour. Face à lui un ordinateur comme une boîte à rythme. Et le public : attentif.
Ce pourrait être un livre audio si ce n’était cette présence sur scène. Pendant 1h10, Xavier Gallais tient son auditoire en haleine, nous racontant l’histoire du fantôme d’Aziyadé, mélanges de deux œuvres de Pierre Loti réunies : “le fantôme d’Orient” et “Aziyadé”.
Jeune officier de marine affecté à Istanbul, Loti tombe amoureux d’un visage oriental. Dix ans après, il revient pour la voir et ne trouve que sa tombe. Cette adaptation par Xavier Gallais et Florient Azoulay lie littérature et théâtre en un mélange parfait entre orientaliste et chant funèbre.
Comme un jeu avec le spectateur, pour le faire attendre, languir, sentir l’histoire se faufiler en lui, pour une écoute parfaite, à peine dérangée par de rares toussotements, Xavier Gallais parle en disséquant les mots. Il les tord avec précision, s’attarde sur certaines syllabes d’une voix qui dit à la fois l’énergie et la douleur de l’amour perdu. Les sons d’Olivier Innocenti l’accompagnent, peuplant cette scène d’un univers visuel presque tangible de bande dessinée ou de film d’animation. Au fil des mots et du périple de ce pèlerin, une impression de pesanteur, de lourdeur de la nuit envahit ce plateau vide. L’orient se rapproche… Tout est douleur, anxieux et d’une sauvagerie toute poétique.
Un moment précieux suspendu aux lèvres de l’habile conteur-acteur !
Crédit photo : Pascal Gély