[Mon avis sur cette pièce est plus personnel qu’à l’ordinaire]
Comme la pièce « Le Père » interprétée par Robert Hirsch il y a quelques années, « le Lien » m’a complètement bouleversée. Le texte et les personnages me sont allés droit au cœur pour remuer les liens parfois si compliqués que l’on peut entretenir avec ses parents.
Dans le rôle du fils, Pierre Palmade est un abject connard qui fait à sa mère un procès d’intention insupportable : après la scène d’exposition où sa mère, interprétée par Catherine Hiegel, débite des banalités qui l’agace, Stéphane prend la parole pour ne plus la lâcher. Il l’accuse de ne pas s’adresser vraiment à lui, de dire des choses qui ne le concerne pas lui en particulier. Il l’accuse et déclare qu’il ne reviendra plus pour l’écouter parler car elle a beau être sa mère, il ne voit pas pourquoi il s’imposerait cette corvée car il s’ennuie. Il lui reproche de ne pas lire ses livres, de ne pas s’intéresser à lui. Elle, assise, prend des coups, avec abnégation. « Tu sais pour beaucoup de gens, vivre une vie normale est déjà une réussite » dira-t-elle en s’excusant de ne pas comprendre ses livres et de ne rien demander de plus que sa présence à ses côtés. Toute cette rancœur du fils, cette violence verbale plutôt que le pardon et le don de soi et de son temps m’a fait du mal. Parfois, les spectateurs autour de moi riaient et je ne comprenais pas. Car je n’ai pas compris ou plutôt je n’ai pas admis ce comportement-là… A en être émue aux larmes.
J’ai même failli partir tant l’émotion était vive mais je suis restée : à un moment, un autre personnage entre en scène, soupape de décompression qui fait redescendre la tension entre cette mère et ce fils (qui sont du reste très bien joués). La pièce finira sur une note plus détendue, presque sur une réconciliation. Cette scène a pour moi été salutaire, me soulageant un peu de ma peine.
En définitive, cette pièce est pour moi à l’image de ce que le théâtre peut provoquer de catharsis quand un vécu personnel rentre en résonance avec les mots « joués », les mots « interprétés » par des acteurs. Certes, on peut facilement arguer que ces mots et ces situations ne sont pas de la vie réelle puisqu’ils sont « jeu d’acteur ». Pourtant le théâtre est parfois plus intense que la vie réelle en ce qu’il vient exacerber l’intensité et la compréhension d’un élément de vie personnelle passé ou présent. C’est la deuxième fois que le théâtre crée en moi pour quelques heures une vive et douloureuse émotion. En tout état de cause, je souhaite à tout un chacun que cela lui tombe un jour dessus, sans prévenir.
Un moment délicat pour moi qui n’enlève rien au talent de Catherine Hiegel et son partenaire Pierre Palmade.
Que le spectacle continue, puisse-t-il en émouvoir d’autres !