Fallait-il vraiment corriger l’oubli dans lequel ce “petit-maître” avait plongé ?
Voyons d’abord la mise en scène: Clément Hervieu-Léger a accompli un très beau travail d’interprétation où les déplacements, les basculements des parisiens sur les dunes participent à la lecture du texte : le contraste entre les mœurs de Paris et de la province mais aussi le thème du « je t’aime mais je te fuis » et « attrape-moi si tu peux » sont ici littéralement « mis-en-scène ». Il n’est pas chose aisée de faire ainsi concorder la parole et le jeu mais pour Clément H-L, le pari est réussi! La scénographie d’Éric Ruf est un pur régal. Ce décor champêtre et ces croquis éparpillés m’ont fait plongés dans un tableau impressionniste, avec ce bleu du ciel en arrière plan, je m’imaginais déjà un lac par delà cette dune à la façon d’un déjeuner de canotiers entourés de belles dames (notons quand même l’anachronisme).
En début de pièce, ce ciel d’aquarelle tombe sur le plateau : c’est le lever rideau. Certes les structures métalliques de la machinerie restent visibles au fond mais cela ouvre le jeu sans pour autant gâcher la vue !
Dans de très beaux costumes d’époque qui font toujours ma joie, les acteurs sont constants dans leur talent, avec une petite faiblesse cependant pour Claire de la Rüe du Can qui n’articule pas toujours bien. J’aime tant la voix de mademoiselle d’Hermy et le jeu impeccable des futurs parents, Dominique Blanc et Didier Sandre. Et Loïc Corbery qui joue de tout son soul l’homme empêtré de son arrogante fierté. Et son formidable valet Frontin interprété par Christophe Montenez, qui n’est pour moi rien d’autre que la révélation de cette saison, comme le fut Pierre Niney il n’y a pas si longtemps. Quel talent il faut pour basculer de Martin von Essenbeck à ce joli matois ! Florence Viala est exquise en Dorimène, talentueuse dans toutes les pièces où un peu déjantée, elle joue une séductrice dangereuse pour les héros (cf Vania). Enfin Pierre Hancisse gagne du galon et en finesse de jeu !
Avec une telle distribution, ce dût être un travail passionnant pour le metteur en scène de trouver comment redorer le blason de cette pièce abandonnée après deux représentations. Toute la mise en scène était à imaginer mais le texte lui, n’est plus à écrire… Mis à part l’opposition provinciaux/ parisiens relevant surtout des préjugés liés au statut social qui parle d’hier comme d’aujourd’hui, qu’apporte ce marivaudage aux autres? Les trios et quatuors des intrigues amoureuses sont bien là, les valets qui donnent des leçons à leur maître aussi, les babils libertins des jeunes gens de bonnes familles également, les sentiments qu’on refoule par orgueil tout de go… Mais le texte se traîne, n’achevant pas et gâtant un peu la saveur du moment- un poil trop long voilà tout !
Une pièce à voir pour l’audace du pari et la fraîcheur de la mise en scène… Mais un texte que je ne prendrais pas comme livre de chevet!