La comédie « Les sœurs Bienaimé » de Brigitte Buc raconte les difficiles retrouvailles de deux sœurs séparées par la vie pendant 20 ans.
La plus jeune, Pascale, reparait sans prévenir au pays et s’installe dans la bergerie que sa sœur et elle ont gardé de leurs parents dans les Cévennes. Rémi, l’ami et amoureux de toujours, avec qui Pascale a repris contact sur « copain d’avant » vient l’aider à s’installer, curieux et prévenant. Il semble avoir toujours des sentiments pour elle et se réjouir de son retour… Ce qui n’est pas le cas de Michèle, gardant d’anciennes rancunes et pensant qu’il est trop tard pour reprendre le cours de leur relation et souhaitant la voir repartir au plus vite.
Si l’on ne découvre seulement qu’après la moitié de la pièce la raison du retour de Pascale, délaissée par son riche mari galeriste et quelques peu en miettes, ce drôle de trio n’a de cesse de s’attirer et de se repousser comme un groupe d’aimants désaccordés, avant comme après la révélation.
Valérie Lemercier joue la sœur fâchée, faussement glaciale, à la gestuelle gauche et dont les emportements ne sont que preuves d’amour. Isabelle Gelinas (qui lui ressemble effectivement !), figure une citadine lunatique et névrosée mais surtout insouciante du désordre qu’elle crée dans la vie campagnarde qu’elle a depuis longtemps quittée. Bien qu’autocentrée, elle est attachante avec sa lubie à vouloir ouvrir des chambres d’hôtes dans la bergerie. Enfin, Patrick Catalifo n’est pas en reste dans son rôle d’éternel ami-amant pris en étau et que les deux sœurs font tourner en bourrique.
Si la pièce prouve un chose c’est bien que le théâtre est avant tout un art de scène et d’incarnation : on peut parler de rien et faire rire de tout ! On peut quand même noter l’affleurement de thèmes plus profonds tels que le chômage en france rurale, la force du lien filial, la dépression, la solitude. Mais ce que l’on retient surtout sont les saynètes rocambolesques de chant, de sirtaki, disputes et de nombreux revirements qui rythment la soirée. Face à ces losers attendrissants (que nous sommes tous un peu en famille), ces adultes paumés voulant se retrouver mais ne sachant pas s’y prendre sans se chamailler, les rires chaleureux se font entendre. Les trois comédiens sont très bien accueillis par un public conquis et complice. Le décor de Jean Haas suggérant la bergerie et l’environnement champêtre sert très à propos la pièce et permet les déplacements dedans-dehors qui dynamisent l’action.
Si vous aimez les comédies de boulevard, vous ne serez pas déçu… Mais si vous cherchez du théâtre engagé sans tête d’affiche : passez votre chemin !
A voir jusqu’en mai 2022 au théâtre Antoine
Article et photo : Bénédicte Six