Chez Maria, professeure de chant émérite, débarque Paul avec sa voix de crécelle. D’un caractère bien trempé et décidée à ne pas perdre son temps, Maria éconduit gentiment mais fermement ce jeune homme, l’invitant à contacter une de ses collègues. Mais Paul entame les confidences et Maria se laisse attendrir… Sans savoir au-devant de quelles révélations elle se précipite !
Difficile exercice du huis clos entre deux personnages, la pièce espagnole à succès « l’hirondelle » du dramaturge contemporain Guillem Clua fait partie des pièces où seule la joute oratoire fait avancer l’intrigue.
Interprétée pas moins de 120 fois en Espagne dans sa version originale par Carmen Maura (icône d’Almodovar, qui n’a plus foulé les planches parisiennes depuis 1994), la pièce à succès s’exporte au théâtre Hébertot avec Carmen elle-même, accompagnée sur scène par Gregori Baquet (remarqué dans Adieu Monsieur Haffman) et avec Anne Bouvier à la mise en scène.
Ce face à face les entraîne dans des méandres qu’on voit plus ou moins arriver mais qui offre de bons moments. La confrontation pourrait cependant être plus intense ou plus piquante à certains moments un poil trop récités ; mais il y a quelque chose de très touchant et de vrai dans ce duo.
Liés par un même traumatisme autour de la mort de Danny (on ne dévoilera pas trop l’intrigue à dessein), Maria et Paul on le découvre vivent chacun l’épreuve du deuil à leur manière et dans leur incompréhension mutuelle. Ainsi cette pièce nous rappelle qu’une réalité n’en nie jamais une autre et que nous ne savons que très rarement ce qui est intimement vécu par autrui.
De nombreux autres thèmes imbriqués les uns aux autres sont abordés tels que le pardon, l’amour filial, le ressentiment, l’altérité, la résilience, le poison des non-dits. Comme on le voit sur scène, la communication est mère de toutes les réconciliations. Il faut se dire “ye t’aime ” (délicieux accent de Carmen Maura qui relève avec brio le défi de jouer sur une scène parisienne) tant qu’il est temps !
La mise en scène d’Anne Bouvier est dynamique juste comme il faut et l’hirondelle se déploie dans un décor bourgeois chaleureux et une scénographie qui plante l’ambiance feutrée et mémorielle du logis de Maria que Paul vient ébranler de ses révélations.
Cette pièce est émouvante, imprégnée d’une vraie délicatesse que l’on devine exister également entre les acteurs qui se partagent la scène.
Aux saluts, Carmen fait preuve d’une humilité et d’une élégance qui l’honorent.
Une pièce actuelle par son contexte et universelle par ses messages, à voir ne serait-ce que pour cette actrice remarquable. Profitez de l’une de ses 60 représentations pour passer avec elle un moment agréable et chantant !
Crédit photo : Bénédicte Six