Mademoiselle Julie est une pièce écrite par Strindberg en 1888. Auteur de « Père » et « des Créanciers », Strindberg signe avec Mademoiselle Julie l’une de ses meilleures pièces. La nuit du solstice d’été, mademoiselle Julie restée seule au château après avoir rompu ses fiançailles, insiste pour danser avec Jean, le valet de son père. Séduction et rapport de classes à l’œuvre, le réveil et les conséquences de ce jeu leur feront découvrir l’abîme du cœur humain et changeront le cours de leur histoire jusqu’alors bien normée.
L’argument de la pièce de Strindberg est simple mais la pièce est d’une richesse de sens et d’interprétation démesurée. Rapports entre les hommes et les femmes, droit à l’éducation, émancipation des femmes, ambition et élévation sociale, désir de l’interdit, pouvoir de la naissance, règles et stratification sociales… La complexité de la société humaine s’étend à perte de vue et les angles d’attaque sont multiples. Dans le rôle de Kristin, Carolina Pecheny très droite, très raide sort tout droit d’un livre de Balzac : c’est Félicité ou la grande Nanon, une femme rustique mais noble dans sa condition. Ses réponses sèches et ses formules à la troisième personne font sourire. Nils Öhlund et Jessica Vedel forment un couple étrange, aimant et haineux, la tension est là, palpable entre les deux.
Il y a cependant, à mon avis, un problème de mise en scène qui désengage le spectateur. La pièce n’est pas simple et mettre les spectateurs en disposition bi-frontale n’est pas toujours la meilleure idée car, par sa configuration, la salle du bas du théâtre de Poche est pleine d’angles morts. De plus, les spectateurs n’ont souvent pas assez de recul pour avoir tous les personnages dans un même champs de vision. Pour une pièce traversée par des moments de silence lourds de sens, c’est (très) gênant. Il faut donc faire la navette entre les personnages (comme au tennis) pour lire leurs visages et saisir les sous-entendus : c’est désagréable, mal pensé… On ne peut pas voir le tableau en entier! Il y a par ailleurs quelques hésitations de jeu, des bafouillages légers mais notables qui s’ils s’ont voulu sont assez déroutants dans le texte de Jean.
En définitive, je serai curieuse de revoir cette pièce dans une autre salle, avec plus de recul, pour mieux appréhender le jeu des protagonistes. Une bonne pièce mais une mise en scène qui n’aide en rien le spectateur, dommage !