“Toi tu te tais” est un régal du début à la fin, courez-y de toute urgence !
Narcisse a le front haut, les sourcils froncés et le regard profond des hommes prêts à en découdre avec la bêtise. Dans un style légèrement punk, doc Martens aux pieds, Narcisse en impose et sa voix hypnotique finit de rendre le personnage captivant. Dès le début l’écoute est attentive, collégiale. « A tout ceux qui tentaient de nous rendre moins bête, moins analphabète, de tout temps on a dit : toi tu te tais » « Je suis de ceux qui croient que ceux qui croient tuent ». Pendant 1h15 Narcisse slame, il balance ses textes et jongle avec des thèmes nécessaires : la censure, le puritanisme, la bien-pensance, le sexisme… Il est quelque part triste de devoir énoncer ce qui devrait déjà nous paraître évident… Mais il faut croire que c’est malheureusement nécessaire, drôle d’époque.
Pierre Gilardoni qui l’accompagne au piano et à la guitare est un virtuose. Il calque sur les textes des musiques électroniques entraînantes (à tel point que j’écris cette chronique en écoutant le spectacle en fond sonore). Il y a d’ailleurs beaucoup de prouesses techniques à saluer pour la réalisation de cette scénographie qui fait feu de toutes les technologies. Il faut une synchronisation avec la régie qui tient du génie pour que chaque son, chaque lumière et chacun des neuf écrans se déclenche au bon moment. L’effet est impressionnant. La fin du spectacle est, elle aussi, étonnante… Mais c’est un plaisir qui ne doit pas se gâcher.
En définitive, ce spectacle se lit comme un recueil de poésie, s’écoute comme un précieux vinyle et se vit comme un concert live… Notre époque a bien besoin de ce genre de poète qui replace les idées avant les mots ou les réinjecte pour leur redonner et le sens et l’impact qui leur est dû. Pour ma part, j’ai presque envie de revenir voir le spectacle et surtout de me servir de cette piqûre de rappel pour m’améliorer aussi un peu dans ma vie et le monde réel…
Innovant, sincère et nécessaire. Longue vie à cet ovni !
Mise en scène: Gérard Diggelmann
Régie son et lumière: Jules Fernagut
© Crédits Photo : Hervé Pfister