Au théâtre rouge du Lucernaire, le plaisir combiné d’une bonne représentation sur un texte méconnu d’Hugo m’a fait l’effet d’un tourbillon.
Au gré des épisodes racontés par le très bon Julien Rochefort, j’ai saisi au vol de multiples références au vaste monde de la littérature. Dans cet écrit publié à titre posthume, Hugo fait le récit de son été 1843 et de ses pérégrinations autour des Pyrénées qui le mène de Biarritz à Oléron en passant par l’Espagne. C’est un Hugo plus joyeux qu’on se le figure d’ordinaire que campe ainsi Julien Rochefort, lui donnant une humeur champêtre et guillerette. Comme des tracts jetés du haut d’un balcon, j’ai perçu là-dedans un petit quelque chose du dandysme de Proust, de son brio à parler d’un rien avec grâce et la description d’un vieux volet ne fut pas sans me rappeler une certaine « madeleine ». Dans l’épisode de la poste restante et de la diligence, il y avait du comique de «comment voyager avec un saumon » d’Umberto Eco et l’âne têtu dans la montagne m’a fait penser au vaudeville du « voyage de monsieur Perrichon » de Labiche. C’est que la mise en scène très sobre- un homme, un tabouret et des jeux de lumières- place volontairement le texte au centre. Et ne seraient-ce ces mains qui parfois bafouillent sans raisons, Julien Rochefort use de sa voix et de sa diction impeccable et enjouée pour nous emmener loin, dans un voyage de l’esprit. Hugo tient également quelque chose de Chateaubriand dans sa manière de poser son regard sur sa vie et ce voyage solitaire sans solitude prend des allures de « rêveries du promeneur solitaire » de Rousseau. C’est que pour moi, Hugo est un des phares dont parle Baudelaire, il est un de ces hommes océans qu’il définie lui-même comme « ce Tout dans Un, cet inattendu dans l’immuable, cet insondable… c’est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l’océan». Avec cette belle interprétation d’un Hugo plein de vie et parmi les vivants, Julien Rochefort annonce aussi en creux l’ombre du naufrage et la noyage de la bien-aimée Léopoldine qui frappera Hugo à la fin de cet été 1843.
Faire jaillir par le théâtre des textes méconnus du grand Hugo –comme avec Ecce Deus au Studio Hébertot l’an dernier- est un pari salutaire. Le pari des théâtres et des acteurs que ce genre de spectacle peut-être tout public. Je plébiscite grandement car Hugo parle si bien du présent qu’il nous chuchote peut-être aussi des idées pour notre avenir!
Je viens de regarder cette pièce ce soir et je suis d’accord avec vous, c’était un Hugo joyeux pourtant sans point perdre son romantisme. Surtout, j’ai bien apprécié qu’il a raconté son tout premier amour. Dans le texte on a dit <> Et évidemment Hugo en a un.
Et je trouve que la fin est puissante. Le voyage était joyeux, Hugo le raconte avec de bon humeur, mais soudain et par hasard, il a appris que sa fille est noyée… Cela me rappelle aussi le film <>.