« Je marche dans les rues de Royan comme je marchais dans les rues d’Oran forcenée inquiète et séductrice sombre aussi mais acharnée… ».
Après une mise en sommeil forcée de 2020 à 2022, « Royan, La professeure de français » commandé à Marie Ndiaye se joue enfin sur les planches du théâtre de la Ville.
Dans une mise en scène sobre évoquant à la fois la côte atlantique et un hall d’immeuble, chevelure mordorée et soyeuse, allure impériale et impérieuse, Nicole Garcia entre seule sur scène pour nous instruire ce monologue écrit pour elle. Ce n’est autre que son fils et metteur en scène Frédéric Bélier-Garcia qui signe la mise en scène, toujours investi dans son travail de l’objet politique et de la pensée philosophique qu’il enseigna quelques années.
Ainsi entourée d’une équipe proche d’elle, Nicole Garcia endosse le rôle de cette professeure impliquée dans un fait divers tragique. Il s’agit de suivre ses atermoiements après que l’une de ses élèves, harcelée par ses camarades, se soit donnée la mort.
Tout démarre très lentement par ce refus borné de la professeure drapée de sa rigueur et de son autorité à parler et s’expliquer, si bien que les phrases comme celle qui ouvre cet article filent sans véritable objet… Seules les trente dernières minutes permettent de faire la lumière sur la réalité du contexte et permettent un jeu plus incarné si bien que j’ai d’abord pensé « quel intérêt ! » avant que comme sur un polaroid, le texte fasse son chemin et livre ses couleurs à mon esprit.
Les nombreuses thématiques entre-chassées, telles que le rôle des enseignants (attendons-nous d’eux qu’ils soient tous des sauveurs dévoués corps et âme ?), de l’ambiguïté des rapports profs-élèves, de la paralysie d’un adulte devant des classes d’adolescents sans pitié ou bien sûr de l’incapacité à tendre la main vers plus faible et démuni que soi ? Beaucoup de thèmes possibles et peu de choix saillent à l’écoute…
Car ce texte très écrit mérite Ô combien le temps et la profondeur de la lecture !
Pour moi, j’aurais voulu m’attarder sur l’expression du for intérieur, le dispositif mental d’enfermement que met en place cette femme face à cet événement extérieur à elle et la manifestation de son cas de conscience dont le langage se fait le détonateur.
Bien que séduite par la démarche, j’ai l’impression d’avoir assisté à une mésalliance. J’aurais laissé Marie N’Diaye et Nicole Garcia séparées car bien qu’infiniment talentueuses, ensemble elles ne m’ont pas convaincue. D’un côté Nicole Garcia tout en nerfs, en fusion. Belle sur scène, impressionnante et pourtant fragile dans sa dureté. De l’autre côté, le texte de Marie Ndiaye tout en flux et en énergie poétique écrit dans une langue résolument littéraire. De fait, j’ai trouvé « Royan » difficile à l’écoute car trop riche et trop généreux en interprétation pour la capacité moins réflexive qu’offre l’écoute par rapport à l’attention de la lecture.
J’ai autant hâte de revoir Nicole Garcia jouer que de me ressaisir du texte de Marie Ndiaye… Il arrive que parfois la magie n’opère pas, les ingrédients étant pourtant, de très haute volée : dommage pour moi !
Article Bénédicte Six – crédit photo : Théâtre de la Ville