Tertullien, Tertullien, Tertu-rien oui !.. Aller voir un spectacle sur « le traité contre les spectacles » adapté des écrits du théologien Tertullien est déjà en soi-seul contradictoire. Sommes-nous des pêcheurs nous qui cherchons de l’élévation et de la connaissance dans les salles de théâtre?
Hervé Briaux s’attaque au sens de l’analyse et de la rhétorique d’un bien curieux personnage venu des tréfonds de l’histoire. Avec sa voix grave et dangereuse, une lumière forçant la dureté du regard et faisant le noir (le néant) autour, tous les éléments de jeu et de scénographie concourent à nous donner froid dans le dos. Car Hervé Briaux est si convaincant d’être convaincu par ce qu’il dit, si assuré, argumentant si bien et nous prévenant avec tant d’ardeur malsaine contre tous les maux qui nous attendent…
Car la description qu’il nous fait de l’enfer, à nous qui aimons le théâtre, est comme un tableau de Bosch qui se compose sous nos yeux. Et soudain l’affiche du spectacle me revient à l’esprit : oui, c’est cela, nous sommes bien en enfer avec l’incarnation de ce fanatique, sophiste bien remonté contre l’art du théâtre. Mais si la litanie d’infamies contre le théâtre remonte d’aussi loin que Tertullien (150-220 de notre ère environ), lui est pour beaucoup retombé dans l’oubli. Oui da ! Sauf que l’influence et l’implacable diatribe de Tertullien, considéré comme érudit par les penseurs du XVIIIème, a pourtant traversé les âges et a certainement sa part dans la fameuse excommunication des acteurs… Aussi que faisons-nous encore dans ces lieux de débauche, ô mortels imprudents ?
Au raisonnement insidieux d’un homme fou mais intelligent, prenez garde !… Mais n’en n’aurions-nous pas eu quelques-uns de ce genre depuis, inquisiteurs et dictateurs, s’entêtant par exemple à vouloir brûler nos livres ?….
Un texte à digérer et à méditer sur toutes les formes de fanatisme et d’intelligence endoctrinante ! Hervé Briaux a glacé mes sangs et mes sens… avec brio !