C’est l’histoire d’une rencontre avec la différence et la liberté de penser. L’histoire aussi de deux solitudes qui se reconnaissent et s’apprivoisent.
Une histoire pleine de force et de vie, sur le papier.
Car quelque chose patine dans la mise en scène de Lilo Bauer, pourtant conforme au film de 1977 du même nom, dont la pièce est adaptée (Sophia Loren et Marcello Mastroianni dans les rôles titres). Je n’ai pas vu le film mais les quelques images que j’ai visionnées m’ont permis de me rendre compte du strict respect des décors et des costumes. Plus qu’un clin d’œil, cela semble être un signe délibéré de déférence au film. Peut-être de là cette sensation que la connexion avec le public ne se fait pas vraiment, le quelque chose de trop cinématographique trahissant la connexion directe au théâtre entre les acteurs et le public. Preuve en est la longue latence entre la dernière réplique et le début hésitant des applaudissements : le noir au théâtre ne remplit pas comme le mot « end ».
Dans la première partie de la pièce, Laetitia Casta pose le cadre, on devine son rôle de bonne ménagère. Puis vient la rencontre avec son voisin d’en face, Gabriele, interprété par un Roschdy Zem qui n’a pas l’air très à l’aise (ni très crédible) sur scène.
La jeune femme croise un autre regard, une autre manière de vouloir vivre sa vie. C’est une rencontre en tension qui semble tout de suite dévoiler sa finalité, à quelques encablures et rebondissements près, mais son développement manque d’assurance. Quelque chose retient l’émotion dans la première partie de la rencontre qui ne parait pas tout à fait vraisemblable.
Si le propos reste actuel, alertant sur la manipulation des masses et la difficulté des gens peu éduqués à distinguer leur propre oppression et s’affranchir de ces diktats, le contexte historique planté le 6 mai 1938 (rencontre de Mussolini et d’Hitler à Rome) fige l’action dans un temps passé et la mise en scène par trop respectueuse fait au contraire datée.
C’est sans conteste une belle histoire d’éveil de la conscience vers un début de liberté, un non au bord des lèvres et un livre entre les mains… Mais une petite prise de risque dans la mise en scène théâtrale aurait sans doute offert une 2eme jeunesse à cette œuvre du grand écran et plus d’espace aux deux acteurs pour trouver leur jeu propre et livrer une interprétation plus incarnée.
rédaction article : Bénédicte Six
crédit photos : Simon Gosselin