Quelle inventivité, quelle beauté, quel génie! J’ai applaudi si fort que mes mains s’en souviennent!
Jules Verne adapté au théâtre? Oui, bon, pourquoi pas… Hors ce que j’ai vu m’a éblouie. Cette pièce est un tour de force : en signant une mise en scène magistrale, Christian Hecq propose un théâtre faisant appel autant à l’ouïe qu’aux illusions de la vue et, avec le brillant coucours de Valérie Lescort, crée des marionnettes si réalistes qu’on voudrait tendre la main pour tenter de toucher les poissons à travers le hublot, comme à l’aquarium.
Mais d’où vient que le talent de M. Hecq puisse faire surgir féerie, rire et beauté d’un coup d’un seul? D’où sort qu’on puisse inventer un langage tout plein de charabia et cependant le rendre intelligible (« Flippos parfit, Flippos parfat… Ralaboulette ! »)? De quel chapeau sort ce magnifique bal des méduses, ce théâtre noir plein de surprise ? Sens du comique avec Flippos, sens du tragique aussi (je ne dévoile pas quand), connaissance parfaite de l’espace scénique du vieux-colombier qui semble élargi, décuplé. Les marionnettes font des blagues et il semblerait presque que les mimiques de ces cétacés en résine soient celles de Christian Hecq. Le mimétisme est parfait. L’illusion aussi. Cela marche et l’on s’émerveille et l’on rit à tout âge tant l’humour est bon enfant, tant le spectacle fait du bien.
Par delà la mise en scène et la sublime scénographie d’Eric Ruf, la distribution de cette reprise est un sans faute.
Attardons-nous d’ailleurs sur l’interprète de Flippos : Noam Morgensztern n’est pas souvent distribué dans des rôles principaux mais pour les trois fois où je l’ai vu sur scène depuis septembre, il va s’en dire qu’il participait toujours au succès de la distribution. Au français, les modestes ont autant de talent qu’on en veut et les grands acteurs sont ceux qui savent rendre sublimes tous les rôles qu’on leur donne.
Je salue pour finir le travail de fond de l’administration du Français qui par petites touches (des programmes adaptés aux enfants et parlent des conséquences de la surpêche et des marées noires), Molière avec un masque de plongée dans le programme des adultes… désacralise ce service public trop souvent considéré comme élitiste sans pour autant brimer la tradition ou trahir le patrimoine du théâtre Français par de trop vigoureux changements (cf Benjamin Millepied àl’Opéra).
Retenez donc ceci : 20 000 lieues sous les mers c’est le talent de Christian Hecq, une féerie onirique orchestrée par un clown plein du sérieux qu’est l’art.