Compartiment Fumeuses- Studio Hébertot

« Compartiment fumeuses » au studio Hébertot est l’histoire de deux femmes qui se croisent, dans le compartiment de la prison qui les « abritent ». Il y a Suzanne d’une part (jouée par Sylvia Roux également à l’affiche de Stavanger) : jeune femme un peu revêche et rebelle, récidiviste incarcérée pour chèques en blanc et Blandine de Neuville, vieille dame gracile amenée par le convoi du matin et en attente de son procès.

Dès la rencontre passée, où Suzanne applique l’impitoyable règle du plus fort pour bien établir son autorité dans le compartiment, la rencontre de ces deux meurtrissures tourne à la reconnaissante. Car dans leur différence d’âge et de milieu, les deux femmes se reconnaissent cependant et la pièce prend dès lors un tournant poétique inattendu.

A 78 ans, l’élégante Bérengère Dautun est d’une beauté confondante. Sa présence toute en douceur et en douleur dans le rôle d’une femme enfant n’ayant jamais vécue est une interprétation généreuse offrant de vrais moments de grâce aux spectateurs. Piégée par la nécessité et la misère, sa codétenue Suzanne est elle aussi touchante, montrant un personnage fait de la digne étoffe de ceux rendu fous par le malheur de la nécessité et n’aspirant qu’au bonheur. L’interprétation de ces personnages est sensible et juste.

Cette entente déplaît cependant à la surveillante jouée par Florence Muller : jalousies et guerres de pouvoir du monde carcéral viennent troubler cet équilibre : c’est la tragédie de Claude Gueux qui se rejoue. Réussir à évoquer ainsi ce qu’il y a de plus humain, de charitable et de poétique dans l’homme mais aussi ce qu’il y a de plus vil, d’égoïste et d’injuste dans une seule et même pièce est ce qui rend cette écriture si fine et si intéressante.

Malheur sublimé par l’autre, moment de bienveillance dans la tourmente… Ce spectacle laisse le sentiment d’avoir touché du doigt, l’espace d’un serrement de cœur, quelque chose de sublime. Je souhaite à Bérengère Dautun la même longue carrière que Gisèle Casadesus, il lui reste c’est sûr encore de beaux rôles à jouer !

Crédit photo: Béatrice Landre

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