« Il ne viendra plus, mais il est assez malin pour m’offrir la puissance amoureuse du plus minime espoir. »
Un texte, une sorte de journal ou plutôt une succession de moment racontés sans chronologie. Éparpillés sur la scène, les feuillets de cette histoire sont ramassés par Vincent Dedienne. Entouré de livres, il sera Hervé pendant le temps du spectacle.
La prouesse de l’auteur Hervé Guibert est d’avoir réussi à lier si intimement dans ce récit l’amoureux et l’amant. Dans cette opacité des sentiments imposée par Vincent (l’être aimé et désiré), le corps devient le liant du cœur, son support, la seule chose à laquelle Hervé a accès. Le cru se mêle alors à la douceur. S’il paraît parfois cocasse, il n’est pourtant jamais gratuit.
Pour faire entendre cet amour fragile, l’écriture de Guibert doit se dire un ton presque neutre mettant au même niveau toutes les pensées de l’amoureux. Le « dire » sans artifice de Vincent Dedienne est pour cela puissant et évocateur. Concentré sur sa voix, sur les mots et leurs sonorités, Dedienne occupe la scène par sa présence, dans une économie de geste qui place la représentation à mi-chemin entre la lecture et l’interprétation. Il met à nu cet amour et parle de sa belle voix aux accents naturels d’ironie. Il semble même être parfois happé par l’essence du texte et glisse sur certains mots qu’il s’approprie et change avant de se reprendre et de revenir au texte initial.
A mon sens, « Fou de Vincent » n’est pas tant le récit d’un amour entre deux hommes homosexuels que le récit de la souffrance et de l’accès de folie d’un être en aimant un autre et qui lui est inaccessible. Hervé Guibert touche du doigt le lot de tous les amoureux malmenés, de tous bords et de toutes époques.
On connaît surtout Vincent Dedienne dans le registre comique… à tort à mon avis ! La gravité et la crudité de ce texte le met en danger et lui sied à ravir. Une sensibilité d’artiste portant un texte parfois osé mais toujours vrai : un beau moment !
Conception : Vincent Dedienne et Arnaud Cathrine
Crédit photo: ©Gilles Vidal