L’heureux Stratagème – Comédie-Française

Deux couples sont réunis dans un espace indéfini. La Comtesse s’ennuie et se laisse courtiser par le Chevalier Damis (Laurent Lafitte) au grand dam de son amant Dorante (Jérôme Pouly) et de la Marquise (Julie Sicard) délaissée par le Chevalier. Les deux amants contrariés font alors croire à un nouvel amour entre eux et feignent jusqu’au mariage pour rendre la raison à la Comtesse et l’obliger à avouer son véritable amour pour Dorante.

La particularité frappante de cette pièce est qu’elle fait fi de tout contexte. On ne sait rien de la situation, il n’y a dans l’intrigue ni mariage arrangé ni problème de dot. Amour-propre, coquetterie et jalousie :  l’action se trouve recentrée sur ces balancements de cœurs incertains et bourgeois. De ces mouvements dépendra également le sort des trois valets et le dénouement de leurs amours (Loïc Corbery, Eric Génovèse et Jennifer Decker).

Malgré la raillerie que son caractère inconstant finit par susciter, la Comtesse a d’abord quelque chose de la femme moderne qui se rend maîtresse de son destin. Cette vision de la femme empreinte d’une volonté d’individualisme ne résiste pourtant pas à son égoïsme et à l’ordre social qui finit par la remettre sur le chemin de son devoir. Car malgré tout, on sent chez Marivaux l’obligation de respecter son époque : lorsque la femme se met à jouer les don Juan, la société se dresse à son encontre.

En Gascon un peu niais, Laurent Lafitte est jubilatoire. Son petit accent et sa façon d’être toujours dépassé par la situation le fait apparaître comme l’anti-héros (comme le Gaston de la belle et la bête). Les autres acteurs sur le plateau sont également très bons, tour à tour enjoués et désespérés.

Pour autant, la pièce se traîne et la mise en scène d’Emmanuel Daumas ne porte pas le texte : le bi-frontal n’ajoute rien et fait perdre certaines paroles des personnages. La scénographie et les costumes ne fonctionnent pas non plus. Surtout, l’interprétation de Claire de la Rüe du Can, parfois rugissante, fait basculer le personnage de la Comtesse vers un registre plus tragique que nécessaire. Les cris sont trop poussés pour du Marivaux, elle en devient peu crédible. Un problème de mesure donc !

Pour la première fois jouée à la Comédie-Française, on retiendra surtout de la pièce le génie de Marivaux à créer des personnages complexes, peut-être moins cette mise en scène. Très moyennement emballée!

 

Crédit photo:  ©C. Raynaud de Lage, coll.CF

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