Rome en 222. Héliogabale, jeune empereur sulfureux aux appétits démesurés, scandalise son peuple en commettant chaque jour un nouveau forfait contre la morale. Sa grand-mère Julia Maesa, voyant sa débauche devenir un danger pour l’empire, s’emploie à lui trouver un successeur.
La mémoire d’un enfant est redoutable et ne quitte jamais l’homme : balloté enfant entre un destin de grand-prêtre du dieu Élagabal puis porté au trône pour servir les dessins de sa grand-mère, ses outrances disent en substance sa souffrance. Son goût pour le pouvoir et la recherche de son identité sexuelle le poussent à l’insubordination… Jusqu’à l’autodestruction.
« Quand tu es au pouvoir tu n’as plus que des ennemis » dit l’empereur à sa grand-mère. La messe est ainsi dite : ces deux personnages énigmatiques et stratèges se disputent à huis-clos le pouvoir dans un lieu calfeutré du palais royal. Entre ces deux lions, fidélité et trahison se révèlent les deux faces d’une même pièce.
Dans le rôle d’Héliogabale, Mickaël Winum est l’acteur le plus imprévisible et le plus charismatique qu’il m’a été donné de voir depuis le début du festival d’Avignon (à l’affiche de pas moins de 3 pièces au off 2024 !!). Petit néron colérique et fantasque, tout en lui rugit la démesure de la jeunesse prête à réécrire le monde dans la transgression et sans peur des dangers qui l’attendent.
Face à lui, Geneviève Casile (sociétaire honoraire de la Comédie-Française) installe tout de suite le rapport de force et l’autorité de son personnage de Maesa, grand-mère au cœur de pierre qui tire les ficelles de l’Etat pour son seul intérêt. Son regard glaçant en dit long sur la toile qu’elle tisse autour d’Héliogabale d’une voix suave mais autoritaire.
Dans une forme classique recentrée sur le texte, le talent réuni sur cette scène crée toute la tension dramatique pour faire monter en verbe le beau texte de Alain Pastor. La mise en scène crépusculaire de Pascal Vitiello et l’univers musical de Jérémy de Teyssier participent à créer cet environnement de tension avant la chute.
Dans le rôle du préfet de Rome Comazon, Gérard Rouzier incarne à la perfection le rôle du confident du pouvoir, mercenaire de profession qui, dépassé par la sauvagerie de ces maîtres, commence à se prendre de doute pour savoir à qui vouer son bras meurtrier.
Belle écriture, belle pièce et une immense admiration pour Geneviève Casile, 86 ans et toujours impératrice des planches. A voir !
Crédit photo : DR
Rédaction article : Bénédicte Six