J’abandonne une partie de moi que j’adapte- Théâtre des Doms (Avignon Off 2018)

Le film « Chronique d’un été » réalisé par Jean Rouch et Edgar Morin en 1960 fait partie de mes classiques, découvert en 2014 grâce à l’une des très ambitieuses playlists de « Bon entendeur » (à 2min45 & 5min45 L’amour, Cluzet, Summer 2014). C’est donc avec un immense plaisir que je suis allée voir l’ambitieux projet du group Nabla (avec Justine Lequette à la mise en scène) visant à monter sur scène ces chroniques et à les prolonger. La première partie de la pièce est une mise en plateau parfaite du film. Les quatre acteurs sont excellents dans les rôles de Marceline (Léa Romagny), Jean Rouch (Rémi Faure) et Edgar Morin (Jules Pubaraud) et de l’un de leurs amis (Benjamin Lichou). Les répliques les plus importantes sont jouées avec beaucoup de fougue et l’esprit de cette époque est très bien mis en mouvement et en paroles dans un délicieux dosage d’interactions avec le public. Puis s’opère un changement sur la chanson « le premier bonheur du jour » qui se transforme peu à peu pour devenir la bande remixée par « Bon entendeur » alors que les acteurs changent d’habits et de style pour nous transporter dans le présent.

Dans cette deuxième partie est analysée à nouveau la place du travail dans la société. Des jeunes à l’air sceptique interrogent dans une sorte de meeting un dirigeant à lunettes. Le style, l’élocution sont différents mais les questionnements restent peu ou prou les mêmes. Le dirigeant défend avec une certaine intelligence la valeur du travail dans l’émancipation de l’homme tandis que les autres voient dans le travail un abrutissement. Puis le discours se transforme peu à peu amenant l’homme en costume à ressembler de plus en plus à l’un de nos dirigeants, partisans des start-ups et croyant dur comme fer à la volonté de faire carrière. Le glissement progressif d’une époque vers une autre est intéressant quoique inabouti. En effet, malgré la volonté des acteurs à questionner nos politiques présentes à l’aune du film documentaire de 1960, la pièce finit dans une impasse car on ne comprend pas trop ce que faire se déshabiller puis sortir chacun des acteurs en leur faisant dire « oui ça va, ça va » apporte comme message final.

Une belle performance de jeu qui fait vivre sur scène un film qui mériterait à être plus connu et une composition de pièce fort intéressante. Seule réserve : la fin de la pièce, un peu facile et un peu en dessous du reste. Néanmoins, cette proposition très originale est l’une des bonnes découvertes de ce festival d’Avignon 2018 !

Crédit photos: Dominique Houcmant Goldo

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *