J’ai vu plusieurs fois Catherine Frot sur scène (“Fleur de Cactus”, “Ô les beaux jours”), j’ai vu Vincent Dedienne sur scène dans “Le Jeu de l’amour et du hasard”… Alors pourquoi pas ? Et si ces deux personnalités, n’ayant à priori pas grand-chose en commun, parvenaient à créer un surprenant duo ?
Je n’ai donc pas résisté – curiosité trop grande.
Déception. Sous couvert de cadavre exquis, on passe de Beckett à Boby Lapointe dans un chassé-croisé entre auteurs contemporains et classiques sans cohérence ni thème directeur. Le seul moment vraiment culminant du spectacle survient lorsque Catherine Frot s’empare du poème de Jorge Luis Borgès “tu apprendras” dont voici le début :
« Après quelque temps,
Tu apprendras la différence entre tendre la main et secourir une âme.
Et tu apprendras que aimer ne signifie pas s’appuyer, et que compagnie ne signifie pas toujours sécurité.
Tu commenceras à apprendre que les baisers ne sont pas des contrats, ni des cadeaux, ni des promesses…
Tu commenceras à accepter tes échecs la tête haute, comme un adulte, et non avec la tristesse d’un enfant.
Et tu apprendras à construire aujourd’hui tes chemins, parce que le terrain de demain est incertain, et ne garantit pas la réalisation des projets, et que le futur a l’habitude de ne pas tenir ses promesses.Après un certain temps, … etc»
A ce moment-là, j’ai bien retrouvé l’actrice d’ “Ô les beaux jours” interprétant Winnie (2016). Espiègle, absurde et tragédienne avec ce regard mélancolique et cette voix si reconnaissables. Le seul moment de grâce trop vite envolé de ce spectacle.
Car le fait que Vincent Dedienne soit si connu, et donc attendu pour être drôle, dévoie une scénographie dont ils auraient pu faire quelque chose et mieux exploiter le potentiel des comédiens. D’autant que la plupart de ces textes sont des monologues déclamés ou mimés en présence de l’autre acteur mais avec, somme toute, peu de dialogues et de scènes jouées à deux.
Cette écriture de commande tourne un peu à l’égo trip et une lecture “carte blanche” à la Maison de la Poésie aurait aussi bien fait l’affaire…
Cette « Carpe et le Lapin » demeure une succession de textes sans contour ni contexte et venir voir Vincent Dedienne et Catherine Frot à ce prix est une raison insuffisante. La mayonnaise ne prend pas.
Crédit photo : Bénédicte Six