La dette existe-t-elle ?
Sur le papier : 3 200 milliards d’euros, soit 120% du PIB français. Mais que cela signifie-t-il ?
Plaidoyer en faveur du cercle vertueux de l’investissement public, ce spectacle vient éclairer avec finesse la question de la dette, de sa création à son impact aujourd’hui.
Fort habilement, le comédien Franck Chevallay vient d’abord se présenter à nous comme un banquier d’affaire respectable et sérieux, requin de la finance présentant bien dans son costume. Mais celui-ci nous l’avoue d’emblée : il est taraudé par un remord et hanté par des esprits depuis la signature de son dernier contrat avec un président africain. Pendant ce séjour, il pense qu’une femme lui a jeté un sort et se sent désormais en dette avec le monde…
Sitôt introduits, le premier des esprits s’empare de lui. Nous faisons ainsi la rencontre de l’esprit de la « puissance public », puis celle du « rapport de force » ou encore de « l’esprit de la courbe ». Le spectacle devient de plus en plus intéressant au fur et à mesure que les « esprits » des concepts économiques entrent dans la ronde pour ajouter leur strate à l’analyse de ce qu’est la dette et de ce qu’elle représente vraiment.
Dans une salle à l’écoute attentive on y apprend, entre autres, que le plus important de la dette c’est le rapport de force avec le prêteur et que les états ont le pouvoir de s’annuler leurs dettes respectives au gré des volontés politiques. Que la dette française, si faramineuse sur le papier, est rachetée en majorité par des étrangers ou investisseurs privés qui touchent en retour des intérêts (qui les rendent encore plus riches) si bien que la dette est devenu le premier pôle de dépense (à + de 50%) de l’état français. De là des impasses politiques par manque d’investissement public… Car on apprend aussi qu’avant existait le circuit du trésor, permettant à l’Etat de ne s’endetter que raisonnablement mais que l’Europe et la BCE a mis à mal ce système sans offrir d’échappatoire aux pays trop endettés… Un cercle vertueux du trésor remplacé par une dette paralysante (la dette serait 4x moins avec le circuit du trésor).
Pour couronner cette analyse, l’esprit « du théâtre et de la dramatisation » finit par s’en mêler lui aussi. Tout est décortiqué avec soin et sans lourdeur pendant les 1h10 que durent le spectacle, validé par 5 économistes chercheurs ; le travail de documentation ajouté à cette dramaturgie originale en fait un spectacle d’un grand intérêt.
Il faut être très fort pour apporter ainsi du savoir économique sur une scène de théâtre.
On en sort bien plus sachant qu’en y entrant et notre capacité de réflexion n’en est que renforcée. Une forme drôle et légère d’éducation économique. Bravo l’artiste !
Crédit photo : DR
Rédaction article : Bénédicte Six