C’est un petit événement : créée en 1979, rejouée en 2004 et reprise aujourd’hui, La rose et la hache est une pièce qui traverse les décennies pour le bonheur des anciens et des nouveaux spectateurs tels que moi. Adaptation du Richard III ou l’horrible nuit d’un homme de guerre de Carmelo Bene et mis en scène par Georges Lavaudant, la rose et la hache a développé un univers inqualifiable qui est devenu mythique.
Parricide, fratricide, meurtrier et stratège, Richard veut être roi et fait place petit à petit en éliminant ses rivaux. La voix sardonique d’Ariel Garcia-Valdès, visage fardé de blanc, cheveux hirsutes, crée devant nous un repoussant personnage dont on ne peut pourtant pas détacher les yeux.
Dans la mise en scène de Georges Lavaudant, une grande tablée est recouverte de verres de toutes tailles, remplis de vin. Les costumes sont magnifiques : la reine Marguerite (Georges Lavaudant lui-même) ressemble à la fée carabosse et la reine Elizabeth à la reine de cœur de Tim Burton (dans son film Alice aux pays des merveilles). Tout dans l’univers visuel de ce spectacle est captivant, hypnotisant de beauté. Car dans cette lumière légèrement bleutée, hors temps, on s’attache à la personnalité et au charisme de ce monstre trébuchant. Les tensions et trahisons ne sont pas loin pourtant.
Parmi toutes les compositions possibles, c’est comme si cette version avait permis à un personnage de prendre forme et voix grâce au jeu de son interprète. Cruel dans ses paroles, inquiétant dans son jeu, Ariel Garcia-Valdès est véritablement un Richard III sans pareille, accompagné d’excellents acteurs pour lui donner la réplique.
Un succès si durable est probablement dû à cet univers si proche du songe et pourtant si incarné !