Nous sommes dans le Paris des années 60. Sur scène, deux présences qui sont d’abord vocales : l’une est une voix caverneuse d’homme, l’autre la voix nonchalante d’une parigote.
Interprété à l’origine par Edith Piaf, ce monologue de colère amoureuse écrit par Jean Cocteau s’est transformé sous la plume de Patricia Piazzi en un monologue à deux voix qui se succèdent et se font silence en présence de l’autre. Aucun dialogue possible.
Dans cette chambre d’hôtel où Andréa, chanteuse de cabaret, se meurt de solitude à l’attendre, « Le Bel Indifférent » reste silencieux d’avoir trop menti. Malgré les cris et l’alcool, il ne veut pas répondre de crainte de se tromper encore ou de n’être pas compris.
L’interprète d’origine plane sur cette Andréa, avec ce quelque chose de typiquement parisien, de revêche mais aussi extrêmement sensible que l’on retrouve dans le jeu de Patricia Piazza et qui tranche avec la présence imposante mais fébrile de Rémi Picard figurant un Emile viril mais sur le fil.
Andréa, fragile mais déterminée, est bien décidée à faire réagir son amant… Quoi qu’il advienne. La fin, si simplement provoquée par l’insulte silencieuse de trop, est amenée comme le dénouement naturel à cette douleur accumulée. Les deux comédiens nous offrent une interprétation vibrante et incarnée et l’on sent comme il est difficile pour eux de revenir parmi nous pendant les applaudissements. Un abandon remarquable au jeu et au sentiment vrai.
Si cette pièce en un acte de Cocteau n’est certes pas la plus gai, elle montre avec une féroce acuité la lente descente aux enfers de ces deux amants torturés par l’incapacité de se parler et de se sauver de leurs démons. Derrière les portes closes de certains foyers, ces personnages doivent probablement exister et cette idée est bouleversante.
Un moment touchant d’authenticité.
Crédit photo : Däk.