Versailles- Mois Molière 2018, le public s’installe face à une scène en plein air. Monsieur Goliadkine, interprété par l’acteur et metteur en scène Ronan Rivière (découvert dans le rôle de Faust au Ranelagh), s’allonge sur un banc en front de scène. Un piano accompagne les acteurs.
Goliadkine est un fonctionnaire à la silhouette maladive et en curieux déséquilibre. Il languit et espère l’ami qui le sauvera de sa misérable solitude. Il croira le rencontrer lorsqu’un jeune homme portant son nom, sorte de double plus grand et plus robuste, se présentera pour travailler à son ministère. Empressé, Goliadkine offre son amitié à ce double qu’il croit providentiel mais ce dernier l’entraînera irrépressiblement à sa perte en prenant peu à peu sa place.
Dans cette adaptation de l’un des tout premier roman de Dostoeïvski, nous nous retrouvons plongé dans l’étrangeté déjà palpable de l’oeuvre de russe qui n’aura de cesse de disséquer une âme humaine malade et âpre, prête à la bassesse et au dévoiement. Ce qui rend si bien l’étrangeté du livre dans cette mise en scène, c’est la différence des registres entre les personnages. Dans les rôles du double, du supérieur Olsoufi et de sa fille Clara, les acteurs ont un jeu qui tire vers la comédie : ils parlent fort, font de grands gestes à la limite du ridicule et miment presque leur statut social, ils sont plus “grands”. Le contraste avec Goliadkine qui dépérit et s’enfonce dans un étrange mal-être n’en est que plus flagrant. Nikolaï et Pietrouchka essaieront tout à tour de lui tendre la main mais Goliadkine les repoussera. Ce traitement des personnages par le jeu des contrastes est très réussi et donne toute sa saveur à la pièce.
C’est une belle adaptation pour découvrir sur scène le roman de Dostoïevski- à voir au Off d’Avignon 2018.
P.S: après Faust et Goliadkine, il serait intéressant de voir Ronan Rivière dans le rôle “étrange” par excellence, celui de Dr. Jekyll and Mr. Hyde!
Crédit photo: Bénédicte Six.