Le Misanthrope- Théâtre du Ranelagh

Dans le rôle du misanthrope : Nicolas Vaude. Dans celui de Philinte : Laurent Natrella. Pas besoin d’en savoir beaucoup plus pour être intrigué par cette mise en scène signée Chloé Lambert (sur scène dans le rôle de Célimène) et Nicolas Vaude !

L’inimitable scène d’exposition opposant Alceste et son ami Philinte est transformée en une soirée, sorte de chassé-croisé autour d’un bar, digne d’un marivaudage dans lequel tous les invités se croisent, se jettent des œillades et se retrouvent par moment en tête à tête. Cette scène mêlant musique, boissons et de drôles de déhanchés dans des costumes très colorés lui donne une teinte festive encore jamais explorée et le premier dialogue semble un de ces moments de vérité très particuliers que nous connaissons tous un jour lors d’une soirée arrosée. Le twist est intéressant et ingénieux.

Passée l’exposition, plus que la misanthropie d’Alceste (joué par un Nicolas Vaude dont on connait la diction saccadée et les envolées dépressives), il faut retenir l’ingénuité qu’il insuffle à son personnage qui ne semble pas comprendre la raison de toute l’adversité qu’il affronte dans sa vie, ses amitiés, son procès etc. Alceste est rendu comme un homme anxieux et qui semblerait presque plus bipolaire qu’atrabilaire…

Dans le rôle de Philinte, Laurent Natrella est fidèle à son talent : compagnon parfait, compréhensif et narquois à la fois. Il est l’ami, le frère et celui qui veille avec toute sa sagesse d’Honnête Homme sur Alceste.

Dans cette mise en scène, les rôles féminins sont aussi sculptés différemment.

Arsinoé n’apparaît pas comme la vieille fille faussement bigote mais plutôt comme une femme qui sent qu’elle aborde un autre versant de sa vie sans se l’admettre encore. Encore très belle dans un costume blanc cintré qui la sied à ravir, elle nous surprend autant qu’elle trouble les jeunes marquis qui virevoltent autour sans comprendre la raison de la joute verbale qu’elle et Célimène se livrent.

Pour sa part, Célimène est ce papillon plus jeune qui ne s’est pas encore brûlé les ailes. Elle séduit et se pavane dans un décor de fleurs de cerisiers en oubliant toute prudence… Jusqu’à ce que son persiflage la perde.

Sur scène, des psychés sont disposés en arc de cercle et pivotés par les personnages. Chaque angle semble être le reflet d’une des nouvelles approches trouvées pour aborder ce classique du théâtre français.

Le duo Vaude-Natrella vaut assurément le coup mais plus encore la mise en scène truffée de belles pépites. Voilà du théâtre de plateau qui fouille le texte pour en éclairer différemment le sens.

Un bel ouvrage scénique prouvant (s’il est encore nécessaire de le rappeler) comme le propos de Molière est intemporel !

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