Oserais-je l’avouer ?
Passionnée que je suis de théâtre, j’ai en revanche de grandes lacunes en cinéma… J’ai donc découvert le quai des brumes sur les planches! Avant de venir, j’aurais été bien incapable de dire d’où venait la célèbre réplique « t’as d’beaux yeux tu sais ? » et la pièce m’a donné l’irrésistible envie de voir le film, pour « comparer »… Et c’est un tour de force !
L’esprit du film est totalement respecté et tous les éléments y sont. Dans cette petite salle-cave du théâtre de l’Essaïon naît le monde de Jacques Prévert d’un claquement de doigts. Dans une mise en scène simple, dynamique et intelligente le décor nous fait changer de lieu en un rien, par “suggestions”. Les espaces se transforment et les personnages restent en scène tour à tour acteurs et spectateurs.
Certains rôles sont taillés par les acteurs qui ont fait l’histoire du cinéma : ici, Jean Gabin, Michel Simon, Pierre Brasseur et Michèle Morgan. Certes, la gouaille et la force d’un Gabin sont difficiles à égaler et « le nez qui trognonne » de Michel Simon ne l’est pas moins mais il y a sans hésiter dans cette mise en scène la fraîcheur et l’innocence intactes de Nelly, la pleutrerie de Lucien et la perversité du tuteur.
Les dialogues repris sont à peine modifiés et la magie de la transposition opère car la dramaturgie du film est admirablement respectée. Bien sûr, le théâtre ne montre pas de paysages, ne s’attache à aucun arrière-plan et des scènes sont coupées. Mais le bon théâtre a cela de plus par rapport au cinéma qu’il centre l’action sur la parole et laisse l’imagination faire le reste.
En définitive, cette mise en scène prouve qu’un film peut être transposé et retranscrit avec brio sous une autre forme. Sans dénaturer l’original ni paraître une pâle copie empruntée à un classique, ce quai des brumes est un pari réussi ! Avec de l’intelligence, les metteurs en scène peuvent tout – même dans des petites salles et avec de petits moyens !