Le choix du texte, le talent de l’interprète… Simul et singulis, l’accord est parfait. Ce n’est assurément pas cette Colette pantomime et femme de spectacle que l’on connaît le mieux. Son verbe, son implacabilité restent les mêmes, mais l’élan est différent: Colette nous raconte sa vie de troupe, l’itinéraire des tournées, l’errance de la misère, le flonflon des gens modestes.
Et avec quelle interprète! Danièle Lebrun paraît et c’est l’élégance qui monte sur scène. Seule avec une table, des chaises, un tabouret qui changent de place, Danièle Lebrun est là, lumineuse. Empruntant la voix de Colette dans un beau costume rouille, des bottines années 30 et une coiffure à la garçonne bien travaillée. Elle sait tout jouer, il n’y a aucune autre narration que la seule modulation de sa voix et de ses attitudes.
Cela va vite, très vite les accents et les rôles s’enchaînent sans qu’on en perde une miette et le tumulte de la vie de troupe se fait réel. Danièle Lebrun nous conte cela en jouant sans répit, avec une justesse incroyable. Je vois l’actrice et en même temps le personnage qu’elle fait parler comme si elle tenait dans ses mains des marionnettes. Ce dédoublement est fabuleux: savoir jouer une allemande puis Colette puis son patron puis une ingénue tout de go en se moquant des personnages ou en leur offrant tendresse sans jamais qu’on oublia qui est sur scène… Voilà la performance d’une grande actrice !
Je me suis régalée, j’ai non seulement découvert un pan de Colette que je ne connaissais pas mais aussi moult mots d’un langage fleuri et familier dont je ne connais pas tout le vocable… Comme la langue française est infinie, dans tous les registres.
Et comme ce récit est touchant: Colette brosse un portrait sans complaisance de la société de son temps et de ses compagnons de (dé)route. – figé sur le papier par Colette, mis en mouvement par Danièle Lebrun!