Naples : les marchands Argante et Géronte se préparent à rentrer sans savoir que leur fils respectif, Octave et Léandre, ont fomenté des amours derrières leur dos. La science et la fourberie du serviteur Scapin tacheront par mille tromperies de mener à bien les entreprises des jeunes gens qui s’en remettent à son génie !
Le texte est intemporel, c’est le classique parmi les classiques et pourtant le bonheur de la revoir dans une bonne mise en scène est grand… Quelle incroyable distribution !
Avec ce rôle de Scapin, Benjamin Lavernhe passe à mon sens à une autre étape de sa carrière au sein de la Comédie-Française. Ce n’est plus le jeune premier, ce ne sont plus les petits rôles, c’est le fripon Scapin, c’est être sur scène une grande partie du spectacle. Benjamin Lavernhe a pris de l’assurance, de l’amplitude, il joue avec le public et occupe parfaitement l’espace. C’est un acteur assuré, en pleine explosion. C’est sûrement son premier très grand rôle et peut-être parlera-t-on dans des années de « Benjamin Lavernhe en Scapin » comme on parle du Cyrano de Michel Vuillermoz ou de l’avare de Denis Podalydès. Je suis bluffée : l’acteur mérite sans conteste sa nomination aux révélations 2018 (pour son rôle dans le sens de la fête)!
Mais s’il n’y avait que lui ! Car en vérité, la distribution est impeccable. Parlons de Didier Sandre, méconnaissable en vieux grommeleur avare. Il investit son personnage au point qu’on en oublie sa délicatesse habituelle pour se retrouver face à ce marchand balourd et sot. Sa tirade de la galère et la scène de la bourse sont un pur bonheur. Adeline d’Hermy impétueuse et vénale en enchanteresse égyptienne, Pauline Clément en amante adorable, Bakary Sangaré serviteur brut de décoffrage, Gilles David toujours égal dans son talent en père trahi et abusé par son fils.
Et les fils encore ! Julien Frison est un jeune premier sensationnel : tantôt amoureux passionné, tantôt vaurien, tantôt peureux, sa diction raisonne claire et son jeu est léger. Julien est jeune, frais et la comédie lui va comme un gant. Son partenaire Gaël Kamilindi ne démérite pas non plus même si sa force de jeu s’exprime mieux dans le registre tragique (cf. son très beau rôle de Gennaro dans « Lucrèce Borgia »).
C’est de la grande comédie servie par la mise en scène de Denis Podalydès et la scénographie du capitaine Ruf : imaginer l’action sur les docks, quelle idée ingénieuse ! En effet, les scènes sont complétées par les accessoires de plateau : une cage à poisson et un déguisement d’homme-poisson pour effrayer Argante, une grue magistrale pour porter Géronte dans son sac…C’est brillant !
Le texte de Molière ne prend pas une ride : ce superbe spectacle se hisse sans conteste dans la liste de mes coups de cœur de l’année 2017. Superbe claque !