C’est un scénario qui tient en une ligne : une couturière de renom, Petra, tombe amoureuse d’une jeune femme qui exploite cet amour pour faire carrière.
Mais le plus intéressant dans cette pièce est la mise en abîme, car si Petra aime Karin, Marlène l’assistante aime Petra. Le désespoir muet de Marlène contraste avec la hargne tapageuse du personnage principal. Le rôle de Marlène fait appel à l’absurde pour dire la souffrance. La scène du piano où Marlène n’est qu’onomatopées, qu’une plainte déstructurée et haut perchée provoque le rire des spectateurs. Un rire à la fois nerveux et gêné : ces gémissements sont encore plus insupportables que les paroles de Petra car ils sont la traduction sans média de cette souffrance ressentie. Sans parler de la scène elle aussi absurde de la chantilly, du sel versé par terre ou de toutes les tentatives de Marlène pour séparer les amantes.
Cette pièce m’a fait penser au film Yves Saint Laurent (de Jalil Lesper) avec Guillaume Galienne et Pierre Niney : elle parle de la passion destructrice d’un créateur pour sa muse. Comme dans le film, la musique est omniprésente. Pour autant, l’interlude musical qui suit la rencontre de Petra et Karin n’est en fait que silence. Il jette un voile de pudeur sur les non-dits et les tabous de l’amour homosexuel – rappelons que le film d’origine date de 1972, une petite révolution à l’époque! Il donne à voir ce qui ne pouvait être dit.
Globalement cette pièce jouit du talent de ces interprètes mais n’apporte rien de nouveau sur le thème abordé. Seul le rôle de Marlène, par son ingéniosité et sa difficulté d’interprétation, ajoute l’étincelle qui vaut à la pièce d’être vue.
– Bénédicte Six.