Lorenzaccio – Théâtre Jean Vilar (Suresnes)

LorenzoetPhilippe©MircoCasimoMagliocaÀ première vue, Lorenzaccio ressemble fort à Rigoletto, un bouffon (au sang noble) conspué de toute part. Il a la langue acérée, toujours le mot pour provoquer et est à l’image du vice qui lui colle à la peau. Pourtant, Lorenzo était pur et bon.  

La grande tirade qui met en scène Lorenzaccio et Philippe Strozzi est superbement interprétée, on reste captivé. Quand l’acteur sort de scène pour s’avancer vers les spectateurs, la fiction sort de son cadre l’espace d’un instant. Yeux dans les yeux, l’orateur prend à parti son auditoire «… je sais parfaitement qu’il y en a de bons [hommes]. Mais à quoi servent-ils? Que font-ils? Comment agissent-ils? Qu’importe que la conscience soit vivante, si le bras est mort? ». On compatit avec le dégoût du jeune Lorenzaccio  et reprend espoir grâce à l’utopie et l’innocence du vieux Philippe.

A leurs côtés, tous les acteurs tiennent leur rôle : le duc en jeune lionceau insatiable à la crinière charmeuse, le cardinal de Cibo en prêtre corrompu, Pierre en fougueux pourfendeur du nom Strozzi, la mère de Lorenzaccio en femme miséreuse… et enfin Lorenzaccio, avec une belle voix claire d’où jaillit tout le tourment du héros romantique désillusionné et rebelle, tombé du haut de son fantasme de justice dans la lie Florentine.

Pour ce qui est de la mise en scène à proprement parler, l’utilisation des draps est très ingénieuse : elle crée du mouvement et nous déplace de lieu en lieu sur une scène désespérément vidée de tout décor. Les costumes modernes ne créent pas d’anachronismes, il faut d’ailleurs saluer l’astucieuse utilisation des masques tirés du film V pour Vendetta qui donne une impression de masse au moment opportun.  Seul faux pas : la scène reconstituée de la liberté guidant le peuple, très kitsch et surfaite. Un symbole naît de lui-même en cristallisant une idée et ne peut pas être brandi pour force l’évocation de valeurs. Dommage.

L’autre petite faiblesse vient du bruit de fond des figurants dont les chants et les paroles couvrent parfois la voix des personnages principaux. De plus, les personnages qui surgissent et disparaissent à tout moment créent de la confusion : sont-ils bien réels ou de simples songes ? Un jeune public découvrant la pièce risque de s’y perdre, voire de décrocher.

Cette pièce est donc portée par l’agilité des acteurs qui interprètent ce beau texte avec force et justesse. Pour autant, les trouvailles scéniques peinent à couvrir les quelques choix contestables évoqués précédemment. En résumé : une pièce au texte immuable dans une mise en scène qui laisse une impression mitigée au spectateur.

– Bénédicte Six.

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