Invitées par Eric Ruf, Julie Bertin et Jade Herbulot (fondatrices du Birgit Ensemble), ont imaginé une écriture de plateau avec la troupe de la Comédie-Française. « Les Oubliés (Paris-Alger) » peut être présentée comme une tentative pour parler de choses dont on ne parle pas. Mais leur ambition de créer une œuvre originale à partir d’événements historiques ne réussit pas…
Nous sommes d’abord en 2019, dans la mairie du 18ème arrondissement de Paris pour assister au mariage d’Alice Legendre et de Karim Bakri. Pendant la cérémonie, de vieilles histoires ressortent sur la période des « événements d’Algérie » et jettent un froid sur la cérémonie. Puis vient un flash-back : nous nous retrouvons en 1958 avec Bruno Raffaelli dans la peau de De Gaulle, entouré de René Brouillet (directeur du cabinet présidentiel) et Michel Debré (garde des Sceaux puis Premier Ministre) discutant tous trois du projet de Constitution à faire voter au parlement.
Dès ce premier aller-venu dans le temps, on a l’impression d’un exposé didactique, d’un cours de sur le mariage et les fondements de la 5ème République. Dans la mairie, on s’enlise dans des détails : un tuyau saute, un invité boit trop… Puis dans le passé, on assiste à une reconstitution historique longue et pas assez narrative. Les scènes passent lentement, certains personnages (comme les employés de la mairie) sont de trop.
Les acteurs ne sont pas mauvais (comment le seraient-ils au Français ?), d’ailleurs Bruno Raffaelli est convaincant : on sent qu’il a travaillé son personnage jusqu’à reproduire une gestuelle qui donne à son ombre l’allure De Gaulle. Une scène entre Danièle Lebrun et Elliot Jenicot est elle aussi plutôt réussie.
Mais une lecture attentive de la note d’intention me fait comprendre a posteriori que le Birgit Ensemble ne désire pas vraiment nous raconter l’histoire de ces Oubliés. En effet, la guerre d’Algérie n’est pas le noyau de cette création qui s’intéresse finalement plus à la 5ème République et à son cadre qu’aux traumatismes de la guerre d’Algérie vécus par des familles françaises et algériennes. Le côté démonstratif historique dépasse donc la trame narrative et cela se ressent beaucoup (à regret !).
N’ayant pas connu cette période et n’en ayant jamais vraiment entendu parler, je parle sans repères. Néanmoins je n’ai pu m’identifier à cette vision présentée qui m’a semblé à la fois impersonnelle et froide, comme une dissection de l’histoire habillée de personnages fictifs mais peu profonds.
Décidément, le pont entre Histoire collective et trajectoires individuelles ne prend pas, il aurait fallu voir moins grand pour rester plus dans la créativité théâtrale et moins dans le documentaire référencé. D’autre part, l’écriture de plateau n’est peut-être pas pour la meilleure option pour diriger la troupe de la Comédie-Française…
Conclusion : malgré toute la bonne volonté du Birgit Ensemble et des comédiens, il me reste une impression vague d’exposé désincarné…
crédit photo: ©Christophe Raynaud de Lage, coll.CF.