Comment l’ironie se crée-t-elle ?
Par quel savante alchimie le texte de Jean-Luc Lagarce rencontrant les malices de Catherine Hiegel peut-il produire ceci : une salle (pleine) de gens masqués riant à gorge déployée ?
D’un côté le texte et de l’autre l’actrice. Pour ma part, le texte ne m’a pas paru si drôle que ça… Four assuré sans un ou une très bonne comédien(ne) !! C’est donc de l’autre ingrédient qu’est venu pour moi toute la pétillance de la soirée : Catherine Hiegel m’a subjuguée.
Dans cette petite farce, le “manuel de civilité” écrit très sérieusement en 1889 par la baronne Staffe (pas baronne pour un sou) est tourné en dérision par Jean-Luc Lagarce. Les grandes étapes de la vie bourgeoise et leurs cérémoniaux passent tous sous ses feux : la naissance, le baptême, le mariage, les anniversaires, la mort. Et de cette liste protocolaire, sorte de mode d’emploi destiné aux gens de “bonnes mœurs” s’échappe une chose inattendue : le rire.
Rares sont les fois ou l’on accède d’aussi près à de grands acteurs établis (plus souvent nichés sur de grandes scènes et dans de grosses productions), et encore plus rarement dans leur premier seul-en-scène. Le public le sait et se presse, avide et attentif. Il adore décidément l’actrice et est acquis à toutes ses mimiques. Comique de gestes, de mots et de répétitions sont maîtrisés et lancés à petite dose par la maîtresse de cérémonie pour être aussitôt attrapés au vol. Rire ensemble de ce texte est comme salvateur.
On assiste à une vraie performance d’une actrice à la fois dans le rôle et en dehors, comme accoudée auprès de l’auteur et complice des spectateurs. Sans ajouter une ligne au texte, elle nous suggère d’un petit air narquois ce qu’elle pense de tout ça avec le caractère qu’on lui connaît. Enjouée et aimée de son public, elle se délecte autant que nous d’être là.
Un vrai plaisir, comme un bonbon acidulé qui fond dans la bouche et qui nous rappelle la beauté subtile du “rire ensemble”.
Par contre “n’amenez pas vos enfants”, c’est Catherine Hiegel qui le demande !
crédit photo : Jean Louis Fernandez