L’Heureux Stratagème- Théâtre Edouard VII

Une distribution si présente au grand écran peut-elle faire un bon Marivaux sur scène ?

Marivaux, le grand Marivaux mis au goût des années folles dans une ambiance art déco. Dans la mise en scène Ladislas Chollat, smoking et robes de soirée sont de mises. On ne sait pas bien mais l’on devine que l’action se passe dans une soirée mondaine, dans quelque château ou propriété de province.

Réunis là, deux « couples », leurs valets et le jardinier. La Comtesse s’éprend du Chevalier Damis et délaisse son amant Dorante qui lui-même laisse de côté la Marquise. Face à ce soudain revirement, les deux amants déchus s’unissent pour faire revenir leur moitié de ce picotement d’amour et de vanité qui les égare. Ils mettent alors en place un stratagème qui, ils l’espèrent, amènera une fin heureuse à leurs amours.

Dans cette mise en scène se ressent un véritable esprit de troupe. Suzanne Clément et Sylvie Testud forme un beau duo. Sylvie Testud, un peu peste de temps à autre, est une Comtesse féline et fière qui se prendra dans ses filets de coquette tandis que Suzanne Clément dégage une détresse de mal-aimé qui va bien à ce rôle.

Chez les messieurs, Éric Elmosnino a pour sa part ce quelque chose de flegmatique et de lent qui fait encore plus ressortir le jeu de ses partenaires tout en le rendant lui-même désespéramment à plaindre- et comique.  Enfin, dans le rôle du Gascon, Jérôme Robart est bien meilleur que Laurent Lafitte il y a peu au Français (m.e.s Emanuelle Daumas, 2018). Un peu « mr.muscle » mais un peu touchant à la fois d’être si dépendant de son humeur « phallocentrée » il nous fait rire avec son accent et ses accès de désespoir.

Mais en vérité, la surprise de jeu ne vient pas tant de ce quatuor connu que des seconds rôles : Frontin et Lisette, un autre duo, se détache, de plein pied dans la veine comique du marivaudage juvénile et innocent. Dans le rôle de Frontin, Florent Hill montre une palette de jeu déjà complète et semble se régaler sur scène- un comédien à suivre ! Roxane Duran (à mon avis égale au talent d’une Pauline Clément à son arrivée au Français) dégage une fraîcheur teintée de niaiserie qui emporte mon suffrage dans ce rôle de Lisette, si important pour souligner les travers de ces amoureux volages dont elle tente de prendre exemple. Mal lui en prend et Lisette le comprend bien plus vite son erreur que sa maîtresse !

 

 

Enfin Simon Thomas est un arlequin froussard et pleurnichard qui nous fait rire à ses dépens et Jean-Yves Roan décrocherait un sourire au plus bourru avec son accent de campagnard plein de simplicité.

La scénographie est impeccable et la composition d’acteurs réussie laisse de la place à une interprétation de la pièce dans laquelle les beaux rôles vont sans l’ombre d’un doute aux femmes.

Un spectacle pétillant et plein de beauté. La mise en scène n’est pas révolutionnaire et ne va certes pas fouiller jusqu’aux tréfonds du sens. On reste donc dans un élan burlesque et avouons que c’est parfois très agréable…

Une respiration comique dans le quotidien. J’ai passé un excellent moment !

 

Crédit Photo: Bernard Richebé

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