Tout l’intérêt de ce roman de Stefan Sweig et de cette mise en scène de Marion Bierry, est de mettre à nu une vision des événements de la révolution française du point de vue de Marie-Antoinette.
Si l’on y réfléchit bien, personne n’entend résonner le nom de Marie-Antoinette en pensant à la personne : on l’envisage comme la souveraine, un être éthéré, vaporeux sans réelle âme ou corps. Or ici, sans doute dans un pressentiment des événements de son temps- car Stefan Sweig écrit Marie-Antoinette aux prémices de la 2nde guerre mondiale (1932)- l’auteur se place du côté de sa compatriote autrichienne. Prise en tenaille, elle aussi, dans un autre contexte et à une autre époque.
Derrière la fascination se greffe l’analyse, le mythe est décousu pour laisser place à une personnalité qu’on n’aurait pas imaginé et dans ce parallélisme, Sweig tire un portrait qui évolue, à la fois héroïque et nuancé. Tout l’intérêt est là, rendre vivante cette gravure de notre histoire. Le pari du dialogue entre les deux acteurs Marion Bierry et Thomas réussit à atteindre ce but. Mi récit, mi jeu, l’histoire se déroule, rebondit d’une voix et d’un personnage à l’autre. À ce jeu-là, la parole suffit et l’absence de décor n’est pas handicapante.
On sent d’ailleurs très bien dans cette mise en scène le parti pris de restituer la présence de l’auteur : c’est bien Sweig qui parle et s’exprime sur ce pan d’histoire et cette parole est admirablement portée par les deux comédiens. Sans jugement, on voit comment Sweig décortique et cherche à mettre en lumière un faisceau de responsabilité, tantôt accablant ou excusant Marie-Antoinette. Ce mélange de respect, de compassion et de sévérité que porte Sweig sur la femme et souveraine nous est transmis avec justesse et mesure. A mon avis, seuls de bons acteurs peuvent réussir à cet exercice.
C’est d’ailleurs intéressant de voir cette histoire au Poche-Montparnasse, jouée par deux acteurs racontant la révolution du point de vue de la cour, dans un espace assez clos et une scène dépouillée lorsqu’on sait qu’il y a quelques mois encore, l’assemblée des États généraux était racontée tel un chœur aux visages multiples dans le grand espace ouvert et luxueux la porte Saint Martin pour “Ça ira (1) fin de Louis” (de Joël Pommerat) .
Deux décors, deux faces d’une même pièce, deux arrêts sur image plus ou moins rapprochés et une sensation bien différente à l’arrivée. L’art du théâtre qui encore une fois frappe à la porte de nos imaginaires.
Comme quoi l’histoire n’a pas fini de faire couler de l’encre et d’inspirer aux auteurs, acteurs, metteurs en scène des manières de l’appréhender pour apprendre en retour quelque chose de notre temps, de nos racines ou de notre patrie. Comme Sweig cherchant à comprendre son temps.
Un pièce intéressante- à recommander d’abord à ceux qui s’intéressent à l’histoire de France !