Poussière- Comédie-Française

« Déjà je ne suis plus, tu m’admirais hier. Et je serai poussière, pour toujours demain » murmurent ces 10 personnages dans la débâcle de leur vieillesse. Partis dans on ne sait quel pays en villégiature comme depuis 30 ans, ces hommes et ces femmes sont assis sur scène, face à nous, à parler sans se répondre. Une pièce contemporaine de Lars Norén, des comédiens sélectionnés par l’auteur lui-même et une écriture de plateau dans la salle Richelieu. Un scénario en somme bien intriguant.

Il faut concéder à ce spectacle un ton qui n’est pas sans rappeler Beckett, dans cette attente absurde et ce décor de cendres et de déchets (cf « Oh les beaux jours ! » avec Catherine Frot ensevelie sous un tas de détritus ou la mise en scène désolée de « Fin de partie » de et avec Charles Berling & Dominique Pinon).

Pour autant, le texte ne mériterait pas une analyse approfondie car les répliques n’en ont pas vraiment- de profondeur. Il y des propos crus, des gros mots, des voix qui ne se répondent pas mais qui s’enchaînent pour ne pas laisser de vide, pour continuer d’exister par la parole et pour continuer de puiser dans la mémoire pour que les proches aimés n’en disparaissent pas. Cela crée une ambiance, un cadre mais il eût été appréciable qu’il y ait plus de sens dans tous ces discours décousus. En fin de compte, chacun parle pour lui-même, ânonne de plus en plus difficilement l’histoire de sa vie et nous, public, nous lassons un peu de ces échanges stériles.

C’est là ma grande réserve car la pièce ne produit qu’une ambiance : une longue plainte sans queue ni tête. Il y a bien la magnifique Anne Kessler qui déclare à un moment « ici, on meurt moins vite qu’à l’Opéra » et qui fait rire le public. Il y a Françoise Gillard, incroyable de douceur dans son rôle d’handicapée. Il y a Didier Sandre perdu, Dominique Blanc fragile. Quelques répliques par ci par là…

Mais laissons le texte de côté car si les mots ne m’ont pas paru captivants certains détails de mise en scène ont fait écho. Il y a d’abord ces chaussures qui restent sur scène alors que petit à petit leurs propriétaires disparaissent derrière le drap de l’autre monde. Cela m’a étrangement fait penser au mémorial de la Shoah de Budapest. Il y a aussi ce cerbère au fond du plateau qui accueille les morts. Pour filer la métaphore, s’il fallait retenir une seule poignée de secondes de cette pièce, ce serait cette déroute de l’autre côté du drap lorsque les uns et les autres lancent des noms de gens qu’ils ont aimés : des âmes en peine au cri déchirant, des âmes terrifiantes comme celles que croise Orphée lors de sa descente aux enfers (cf Odyssée, Homère). Aussi, la scène finale, muette, m’a serré le cœur. Il y a cette mère épuisée qui prend une décision mortifère pour pouvoir enfin mourir en paix : tuer pour pouvoir disparaître.

Poussière tient donc pour moi en quelques éclairs de lucidité. Mais avoir pu entrevoir quelques échos, purement personnels, lorsque l’on parle de l’invariant de la vieillesse n’est pas suffisant pour être totalement convaincue. C’est une mise en scène qui crée un flottement au goût acre et amer : tout est affaire d’atmosphère et les comédiens créent cela. Le texte, lui, pèche un peu!

 

Poussiere de Lars Noren – Mise en scene Lars Noren – Scenographie Gilles Taschet – Costumes Renato Bianchi – Lumiere Bertrand Couderc – Salle Richelieu – Comedie-Francaise – avec :
Martine Chevallier,
Anne Kessler,
Bruno Raffaelli,
Alain Lenglet,
Francoise Gillard,
Christian Gonon,
Herve Pierre,
Gilles David,
Daniele Lebrun,
Didier Sandre,
Dominique Blanc

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