Une annonce : la mort du père. Le fils se retrouve chassé de chez lui avec son maigre héritage en poche. Proche, tout proche de nous devant le rideau de scène rouillé, Sami Frey est là, flanqué d’un grand imperméable et d’un sac vert en bandoulière. Il a deux bancs à sa disposition. Seul compte l’acteur.
Commence alors un drôle de récit. Sami Frey a un regard d’une sincérité folle et quelque chose de magnétique s’écoule de lui à nous. A travers lui passe le pathétique de l’existence dans ce qui devrait être décrit comme la plus belle chose au monde : un premier amour. Un amour simple, indésiré et mal compris par celui qui en est traversé. Il y a en cela un peu de l’étranger de Camus et une dérision à la Raymond Devos dans ce texte de Beckett. Car ce personnage peu habitué à ce qui l’entoure y réagit si étrangement qu’il crée chez nous stupéfaction et rire.
Oui, il y a quelque chose de délectable à voir ce texte parfois si brusque déclamé par un acteur avec un charisme qui ne peut inspirer que la déférence et l’admiration. Cette contradiction donne au spectacle sa saveur.
C’est comme un éclat, une étincelle de clarté dans une vie sans lustre. On ne sait pas toujours comment accueillir les images inventées par Beckett ni comment réagir à son humour mais porté par Sami Frey, ce texte prend une jolie hauteur et l’on se prend à attendre l’absurde qui fera mouche !
A voir pour découvrir cette œuvre de Beckett, pour l’immense Sami Frey, pour être déconcerté, pour écouter ce flot de littérature si étonnant. Une ballade littéraire drôle et désenchantée.
Copyright photo : Hélène Bamberger-Opale