C’est avec beaucoup d’enthousiasme que je suis allée voir pour la première fois la pièce d’Edward Albee « Qui a peu de Virginia Woolf ? ». L’affiche choisie par le théâtre 14 résume bien les principaux éléments de l’intrigue : deux couples, beaucoup d’alcool, des tensions et des visions…
Sur scène, quatre personnages font l’objet d’un huis clos. Sur un campus américain des années 60, un jeune couple d’universitaire se rend en pleine nuit dans le salon de Martha et George pour boire ce qui doit être « un dernier verre ». L’indiscrétion de Martha fait alors surgir au sein du vieux couple l’ombre d’un secret qu’ils dévoilent peu à peu en se faisant la guerre sous le regard d’abord gêné puis complice du jeune couple.
La mise en scène de Panchika Velez n’a de cesse de remettre la pièce en tension pour tenir le spectateur en haleine jusqu’au dénouement de ce duel. Le décor et les costumes permettent de s’imaginer l’ambiance de ces années 60 américaines et amènent une touche de réalisme bienvenue.
Martha (Frédérique Lazarini), déjà bien alcoolisée au début de l’intrigue, apparaît comme une femme orgueilleuse et bourgeoise. Malheureuse et déçue, elle maltraite son mari George (l’excellent Stéphane Fiévet) et lui fait porter le poids de leurs défaites. Celui-ci encaisse, seul à connaître les véritables raisons de ce naufrage. Car derrière la violence de ces deux êtres se cache une vérité que le spectateur découvre en même temps que le jeune couple.
En parallèle et sous l’impulsion de George, le vernis de Nick (Aurélien Chaussade) se craquelle et son personnage perd petit à petit son aspect lisse et rangé. Ses ambitions se dévoilent, son cynisme et son opportunisme progressif donnent de la consistance à son personnage. Dans le rôle de son épouse Honey, Agnès Miguras touche du doigt le pathétique et fait rire par sa bêtise, son ivrognerie et son impudeur. Sa lenteur à comprendre une situation compliquée s’oppose à l’acuité de Nick. Tous ces faux-semblants tombent lorsque George décide de mettre fin à la soirée par un dernier jeu cruel.
A la fin, le secret mis à nu jette sur l’attitude féroce de Martha et la rancœur de George un nouvel éclairage. Une performance à voir notamment pour l’excellent jeu tour à tour docile et venimeux de Stéphane Fiévet. Une intrigue rondement menée- je recommande !
Crédit photo : Lot