Harold Pinter écrit « Trahisons » en 1978, exploration de l’ambivalence dans le couple et du mensonge adultère. On peut y voir un prolongement de « La Collection » (1961) bien qu’ici Pinter ait choisi de dépeindre un trio amoureux et son lot de “Trahisons” en remontant le temps : de l’aveu d’adultère à la naissance de la liaison.
Michel Fau, acteur virtuose et metteur en scène à l’imaginaire souvent baroque, a mis en scène cette pièce s’en parvenir à s’en saisir. Le rythme est lent et ne prend pas. Le seul lien entre les scènes est ce verre d’alcool qui se fait toujours l’intermédiaire entre ces trois personnages. Sans ce verre, la parole semble ne même pas pouvoir affleurer et même ivres, les personnages semblent avoir le vin triste.
La faute a une bien étrange direction d’acteur : où donc est passée la fantaisie de Michel Fau et pourquoi cette direction d’acteur si désincarnée ? Car voilà bien le problème majeur de cette distribution pourtant alléchante : on ne les sent pas dedans.
Tout au long du spectacle se dégage quelque chose de malaisant. Selon les époques et pour bien faire ressortir la chronologie inversée de cette narration, le rapport devrait se moduler entre les personnages. On croit d’abord à dessein que tout est guindé pour laisser place à autre chose. Au contraire, ce style s’installe. La mise en scène surjoue la distance entre les personnages et annihile tout élan d’affection véritable. Ce jeu délibérément plat ne laisse aucune place à l’éclosion des sentiments d’amour ou de haine et le corps des acteurs est peu engagé. Les personnages sont trop lisses, trop textuels, trop inexpressifs.
Pourtant tout semble avoir été voulu ainsi, menant au seul constat possible : Michel Fau s’est trompé dans sa direction d’acteur.
Quoique trop rare, il reste bien ce je ne sais quoi de l’humour anglais grinçant. Mais je suis très déçue par Roschdy Zem qui a prouvé il y a peu dans la série « les Sauvages » qu’il pouvait tellement plus. On le sent brimé en amant, serré et mal à l’aise dans ce rôle de Jerry. Le courant ne passe pas non plus avec Claude Perron qui paraît névrosée, sorte de vamp coincée et insensible. En mari faux, Michel est celui qui s’en tire le mieux. Le cynisme et l’impassibilité sied à son personnage plus qu’aux autres. Son décor, sans la bizarrerie et la fantaisie qui caractérisent d’ordinaire ses créations, n’opère pas non plus.
En définitive, le spectateur reste en dehors de ce trio comme les acteurs restent en dehors de leurs rôles. Tout est froid et cette direction d’acteur passe à côté de la pièce en créant trois personnages si détachés et sans affects les uns pour les autres qu’on ne peut y croire nous-même.
Un loupé pour le moins étonnant !
Crédit photo : Stéphane Brion