La raison du plus fort est toujours la meilleure, nous l’allons montrer tout à l’heure.
Pour dénoncer la prédation et le silence, qui trouvent leurs racines dans les conditionnements de notre société patriarcale, la compagnie Superlune a mis en place un dispositif quadrifrontal figurant un tribunal de jurés (spectateurs placés « en U » sur scène et changements des costumes à vue).
Pendant « cinq jours », ce jury écoutera l’histoire d’Anaïs Lacascade (Hermine Dos Santos), violée de ses 7 à 14 ans par son père Louis Lacascade (Clément Carabédian), chef étoilé tyrannique et narcissique. De la cuisine au tribunal, son histoire se compose sous nos yeux.
Comme dans toutes les créations de la compagnie Superlune, la plume incandescente de Joséphine Chaffin hisse les acteurs dans une dimension de jeu unique, pour traiter ici le sujet de l’inceste avec toute la force du langage poétique.
Le silence clanique, la rancœur et la violence du rejet familial face au tabou. Anaïs passe par tout cela, malmenée physiquement par une psyché qui tente de lui interdire l’accès aux agressions que subit son corps. Accompagnée pendant toute la pièce des créations sonores rock-électro de Thao, Anaïs sortira du traumatisme comme une gladiatrice, en retrouvant la parole et en dansant, plus vive que morte.
« Une personne sur 10 en France est victime d’inceste ». La pièce atteint pour moi son climax lors de la scène de plaidoirie finale dans laquelle Clément Carabédian (tour à tour juré, avocat et accusé), donne puissamment voix à une révolte et s’adresse alors directement à la salle pour nous donner des chiffres faisant trembler nos cœurs.
Je suis sortie nouée mais avec le sentiment d’être mieux armée. « Vive » nous donne des clés pour mieux réagir aux signes de détresse de ceux qui autour de nous peuvent être emprisonnés dans l’empire du silence.
Du théâtre ambitieux sur la mise en scène et l’écriture, tout à la fois poétique, utile et citoyen. Qu’on ne vienne pas dire encore que le théâtre ne peut pas faire bouger les lignes !
Texte lauréat de la création ARTCENA 2022 / Tous les jours impairs au théâtre du Train Bleu
Texte : Joséphine Chaffin
Co-mise en scène : Clément Carabédian et Joséphine Chaffin
Jeu : Clément Carabédian, Estelle Clément-Béalem, Hermine Dos Santos et Patrick Palmero
Rédaction article : Bénédicte Six
Crédit photo : Julie Cherki
Pour retrouver une interview toujours actuelle de la compagnie Superlune : Entretien avec Clément Carabédian & Joséphine Chaffin