Crise de nerfs – Théâtre de l’Atelier

Interprétées par des acteurs de talent, trois pièces en un acte écrites par Tchekhov entre 1886 et 1888 se succèdent, dans des registres et des tonalités différents.

Dans « le Chant du Cygne », première pièce en un acte de la soirée, Jacques Weber grimé de blanc et affublé d’une perruque grotesque apparaît : colossal, il campe là, grognant ivre, sorte de Beckett déambulant en toge antique. Dans cette pièce peu jouée, on suit les lamentations de ce personnage de l’acteur fêtant ses 45 ans de scène, devenu vieux et sentant la solitude de sa vie personnelle le rattraper. Il y a là-dedans comme une leçon, un testament du savoir-faire de l’ acteur et de quel acteur… Jacques Weber y est une figure gargantuesque au sommet d’un indéniable talent !

 

La métamorphose avec la seconde pièce, « La Leçon de Tabac » est saisissante et annonce déjà un glissement comique. Dans ce « second acte », Jacques Weber s’amuse, incarnant son personnage sans tout à fait devenir lui. Il garde un œil coquin qui semble dire comme il s’amuse du personnage qu’il joue. On s’amuse avec lui de ce dedans-dehors avec quand même un sentiment de tendre pitié pour cet “épouvantail”. On aime rire de lui tout en étant obligé de reconnaitre sa part de réalisme, son infaillible humanité.

 

 

On retrouve enfin la « Demande en Mariage» jouée il n’y a pas si longtemps que ça par un autre trio dans « Tchekhov à la folie » au Poche Montparnasse (2019). Dans cette troisième pièce, Jacques Weber laisse la place à deux autres jeunes acteurs : Manon Combes et Loïc Mobihan . Deux acteurs à la hauteur de la légende, inspirés et créatifs. Leur proposition de duo est drôle même si un peu exagérée, un poil plus forcée qu’au Poche – quoique le plateau de l’Atelier appelle à cette occupation de l’espace scénique. On ne voit dans cette apothéose plus que le comique et la soirée s’achève sur cette absurdité toute tchékhovienne.

Dans cet enchainement qui promène le lecteur du tragi-comique au farcesque, « Crises de nerfs » offre trois miniatures de ce que le jeune Tchekhov développera par la suite. Une ode aux personnages attachants et plein d’humanité ainsi qu’au pouvoir du jeu d’acteur. Le grotesque monte d’une pièce à l’autre et délasse autant qu’il réjouit les spectateurs heureux de retrouver dans ce jeu un peu du bonheur bridé ces derniers mois.

Un délice !

Théâtre de l’Atelier; spectacle CRISE DE NERFS; mise en scène Peter Stein; Jacques Weber; Manon Combes; Loïc Mobihan; 3 farces; Anton P. Tchekhov

crédit photo : Maria Letizia Piantoni

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