l’Education sentimentale – Théâtre du Poche-Montparnasse

La bible du spectacle annonce d’emblée la couleur : au Poche-Montparnasse, Flaubert s’électrise !

Frédéric Moreau, le personnage principal de l’Education sentimentale de Flaubert, comme Lucien de Rubempré chez Balzac, vogue de désillusions en désillusions… En plus oisif encore ! Traversant la fin du 19eme siècle depuis les échos politiques de la Monarchie du Juillet jusqu’au second Empire, son histoire mêle ses pérégrinations amoureuses avec la « grande » Histoire. Un brin apathique, on suit ce brave Frédéric Moreau, notable de Nogent sans envergure, dans ses complaisants émois qui semblent l’occuper tout entier… En dépit des passions d’engagement et de courage auxquelles invite son époque !

Pour lui donner vie au plateau, Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps virevoltent d’un personnage de Flaubert à l’autre, allègres et habiles à brosser en une voix, en une posture, un nouveau caractère. Dans cette adaptation libre proposée par Paul Edmond, le récit est ramassé, dynamique, et même… pop ! Comme des phares, les deux acteurs-musiciens enveloppent la grande et la petite histoire de leur douce ironie. Car des similitudes avec notre époque, il n’y en a pas qu’une ! On sent poindre la lecture au temps présent, avec un regard à la fois indulgent sur le cycle de la vie et ses recommencements mais aussi critique face au désintérêt toujours plus grand des citoyens face aux événements déterminants de leur époque. On tente ainsi de nous secouer gentiment…

Dans cette « épopée de l’ordinaire » aux accents électro-rock (on note l’apparition à deux reprises de l’hypnotique chanson d’Alton Ellis « black man’s world »), on sent chez tous les membres du projet une ambition de justesse renouvelée après avoir adapté « Madame Bovary » , et un grand amour commun pour la littérature.

En ce jour d’automne annonciateur de jours plus courts, l’envie nous prend de redonner leur chance aux 668 pages de l’ « Education sentimentale » .

Une adaptation qui ne manque définitivement pas de mordant !

crédit photo :  Pascal Gély
rédaction article : Bénédicte Six

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